Le dossier pour tout connaître (enfin presque) des condensateurs électrochimiques que l’on trouve dans nos machines.
Attention, cela peut paraitre assez indigeste !
Informations importantes et généralités.
Il me faut d’abord rappeler quelques points importants :
Il y a un risque pour votre personne à manipuler des condensateurs, même si l’appareil est éteint et débranché du secteur depuis 2 heures. Plus un condensateur est chargé à une différence de potentiel importante entre ses deux pattes, plus le courant de décharge sera important et dangereux… On précise souvent que les condensateurs chimiques présents dans les appareils à tubes sont les plus dangereux, je rajouterais que c’est à l’ensemble de l’appareil qu’il faut faire attention de par les tensions importantes qui le traverse !
Ne sous-estimez pas cependant les risques courus sur des appareils à transistors !
Pour ne prendre qu’un minimum de risque, il faut décharger les gros condensateurs avant d’intervenir. Pour cela vous aller utiliser une résistance. Je vous propose de suivre le didacticiel visible ici et d’utiliser une résistance de 2 kohm en 10 watts. Connectez-la aux bornes du condensateur. Connectez y également un voltmètre pour savoir quand le chimique est déchargé.
Mise à jour, astuce donnée par xlmgromit :
L’astuce pour décharger un condensateur, une ampoule 230V 60W à filament montée sur une douille avec 2 fils.
1 – vérifier que l’ampoule fonctionne et que le filament n’est pas coupé.
2 – vérifier le condensateur au voltmètre en tension continue calibre 1000V.
3 – tapoter plusieurs fois les 2 fils du montage à ampoule sur les 2 bornes du condensateur (parce que du vernis peut empêcher le fil de rentrer en contact avec le condensateur et empêcher la décharge, de toutes façons l’ampoule va s’allumer à la décharge)
4 – contrôler à nouveau le condensateur au voltmètre.
JAMAIS de décharge au tournevis, le courant de court-circuit est important car la résistance de décharge est nulle, crée une étincelle, provoque une soudure (type soudure à l’arc), endommage le condensateur …. et de toutes façon c’est dangereux.
Pourquoi changer les chimiques ?
On peut estimer la durée de vie moyenne d’un condensateur standard à environ 25 ans. Cela ne veut pas dire qu’il va exploser lors de sa vingt-sixième année ! La durée moyenne est liée aux nombres d’heures de fonctionnement, à la température, à la tension qui le traverse et surtout à sa qualité de fabrication !
Bref, il y a trop de paramètres qui rentrent en compte pour donner une durée de vie minimum ou maximum.
Une chose est sur, le condensateur chimique est le composant dont la durée de vie estimée est la plus faible dans nos appareils.
C’est quoi un condensateur « usé » alors ?
C’est un composant dont les caractéristiques ont changées, et pas dans le bon sens !
Les deux caractéristiques principales modifiées sont la capacité et la résistance série.
La capacité est généralement écrite sur le condensateur.
La résistance série, c’est plus compliquée, car il est quasi impossible de connaitre la valeur moyenne du condensateur sortie d’usine il y a 30 ans !
De plus, il n’y a pas de norme, mais sachez que plus la résistance série est faible, plus le condensateur peut être considéré comme bon (c’est d’ailleurs une caractéristique travaillée sur les chimiques dits haut de gamme).
Ci-dessus, l’ESR Peak Meter donne la capacité et l’ESR (Résistance série) d’un chimique.
Cet appareil ne donnera pas une mesure précise pour la mesure des gros condensateurs d’alimentation (mesure à fréquence élevée), mais suffira pour diagnostiquer l’état.
Pour terminer un condensateur chimique « usé » peut parfois, j’écris bien parfois, être visible à l’œil nu. Il peut être gonflé, déformé, avoir coulé sur la carte ou il est soudé (oxydation, attention à ne pas confondre avec de la colle), et son enveloppe plastique peut avoir rétrécie (signe d’une surchauffe du condensateur lui-même, ou de la chaleur importante d’un composant proche de lui).
Un beau condensateur « juteux » !
Que risque t’on à utiliser un appareil avec des chimiques au bout du rouleau ?
Le premier risque c’est la panne, le condensateur peut se couper, ou se mettre en court circuit, il peut alors mourir seul ou emmener avec lui d’autres composants en silence ou dans un panache de fumée, au choix !
Le second risque, et c’est le plus courant, est d’avoir un appareil qui sonne comme une casserole : pas de puissance, tenue des graves inexistante, aigus absents ou nasillards. Bref, un appareil au rendu bien éloigné de ce que l’on peut attendre de lui.
Pour peu que vous soyez en possession de cet appareil depuis très longtemps, vous vous êtes habitué doucement mais surement à sa « décadence » sonore lente mais inexorable (c’est beau ça ! )
Que faire ?
Les contrôler serait déjà pas mal, mais un appareil comme le Peak ESR meter 60 présenté plus haut, c’est presque 100 euros. D’autres contrôleurs de ce type existent, mais celui-ci est très pratique pour l’amateur.
Les limitations existent avec le Peak, entre autre chose, on ne peut pas mesurer les capacité trop importantes et la fréquence élevée choisie pour la mesure n’est pas forcément idéale dans tous les cas.
Bref, si vous n’envisagez pas une collection importante, et que vous souhaitez remettre « à niveau » votre amplificateur favori (cela est valable pour les autres types d’appareils bien sur), et que avez les compétences et le matériel pour le faire, un changement systématique des chimiques est parfaitement envisageable surtout sur un engin ayant plus de 20 ans.
Mise à jour : on trouve désormais des « chinoiseries » permettant de tester condensateurs, transistors et autres composants pour quelques dizaines d’euros. Cherchez « esr meter » sur le célèbre site de vente aux enchères. N’ayant pas eu entre les mais ce genre de gadgets, je ne me permettrais pas d’en conseiller un en particulier.
Le choix.
Ça y est, vous êtes enfin décidé à changer les méchants composants tout vieux de votre belle machine.
Bon d’accord, mais on achète quoi ?
De nombreuses marques se partage le marché. Certaines de ces marques proposent des condensateurs plus ou moins « haut de gamme » dont le prix change radicalement…
Dans nos vieilles machines, on trouve en règle générale du chimique de marque reconnue, mais de qualité standard.
Il est tout à fait compréhensible de vouloir utiliser ce qu’il y a de mieux sur le marché, mais les coûts peuvent être importants. On peut aussi considérer que les chimiques neufs de qualité correcte sont meilleurs que ceux fabriqués il y a 30 ans, c’est discutable, je sais.
Bref, chacun se fera son avis sur la question, je n’ai pas la parole divine mais voici ce que j’en pense :
Privilégiez les Elna Silmic 2, Nichicon FG,KZ,Muse partout ou vous pouvez en coller. Sur les alimentations, protections, ou lieux ou ça chauffe fort, du Panasonic FC ou FM (105°), c’est parfait. Pour les gros condensateurs (filtrage alimentation généralement) revient souvent l’utilisation des Nichicon KG que l’on trouve dans trois gammes différentes. Mais ne négligez pas les Kemet , Vishay, TDK, Cornell Dubilier, United Chemi-con (UCC), F&T dont les caractéristiques techniques sont souvent meilleures pour un tarif plus raisonnable. On trouve aussi du très bon chez Sprague (surtout pour les axiaux), j’en oublie, il y a du choix.
Les toutes petites valeurs peuvent aussi êtres remplacées par autre chose que du chimique, j’apprécie beaucoup la série R82 polyester chez Kemet.
Une seule vraie recommandation : évitez toutes les merdouilles que l’on trouve « à pas cher » et évitez autant que possible les Jamicon, bien diffusés et très utilisés par certains, vos oreilles vous remercieront.
Et comment sait-on ce qu’il faut acheter comme valeur ?
Un condensateur chimique a plusieurs caractéristiques importantes :
Il peut être polarisé (cas le plus courant) ou bipolaire. Dans le cas d’un polarisé, il y a un sens de montage à respecter, généralement, la borne – est repérée par une bande de couleur.
Le bipolaire à parfois l’indication BP sur le corps.
Il peut être axial ou radial (le plus courant), et parfois vous devrez remplacer un axial par un radial pour cause d’indisponibilité dans le premier format.
La capacité, indiquée sur le corps. Par exemple 0,47uf, 1uf, 330uf, 6800uf…
La règle est de garder cette valeur, ne diminuez pas et n’augmentez pas non plus sauf si vous avez les compétences techniques qui vous permette de juger de l’intérêt et de la viabilité de la chose.
La tension de service : également indiquée sur le corps du composant. Par exemple 10v, 35v, 50v, 63v…
Vous ne devez jamais utiliser un condensateur dont la tension de service est inférieure à l’original.
Parfois il sera difficile de trouver un condensateur ayant une tension identique, dans ce cas, vous pouvez utiliser une tension de service supérieure. Par exemple un 16v ou 25v pour un 10v, un 63v ou 100v pour un 50v.
La taille du composant est également importante. En trente ans, les condensateurs ont énormément diminués en taille.
A valeur égale, privilégiez toujours le condensateur de plus gros volume.
Cela pose des problèmes, surtout pour les gros condensateurs de filtrage d’alimentation dont la fixation au châssis est prévue pour un diamètre bien particulier.
Il vous faudra ruser en augmentant le diamètre du condensateur…
Une autre possibilité est d’augmenter la capacité d’origine de ces condensateurs de filtrage (le diamètre augmente d’autant) mais le risque est de stresser le reste de l’alimentation (diodes) qui ne le supportera peut être pas. A faire en connaissance de cause !
Je précise que l’augmentation de la capacité de ces condensateurs de filtrage n’augmente EN RIEN la puissance de l’appareil..
Le type de connexion. Encore une fois les condensateurs de filtrage d’alimentation peuvent poser problème :
L’écartement des bornes, les connections snap-in, les condensateurs à 3, 4 ou 5 bornes.
Énormément de cas particuliers ou il faudra réfléchir avant d’agir ! Dans certaines conditions extrêmes, il sera nécessaire de fabriquer un support de toute pièce pour monter de nouveaux chimiques de filtrage.
Exemple de condensateurs.
Condensateur chimique radial polarisé (le – est indiqué par la bande banche sur le corps et par la patte plus courte)
Sa tension de service est de 25 volts, sa capacité est de 470uf.
Il s’agit d’un Elna Silmic II.
Condensateur chimique axial non polarisé. 63 volts, capacité de 100uf à 10% prêt, utilisé dans les filtres haut-parleur. Marque Visaton.
Un autre condensateur axial, non polarisé (BP = bipolaire), tension de service de 100v, capacité de 2.2uf.
Condensateur radial polarisé « snap_in » (pattes très courtes, difficilement pliables). Tension de 50v, capacité de 6800uf, température de fonctionnement maximum : 105°.
Le – est indiqué sur le corps.
Condensateur axial polarisé de marque Roederstein (ROE). 40v, 1000uf, température de fonctionne de -40 à +105°. Le sens est bien visible sur celui-ci.
Condensateur axial polarisé de marque Rubycon. Le – est à droite (sens de la flèche). 100v, 330uf.
Condensateur chimique polarisé de marque Nippon Chemi-con, 50v, 10000uf. Celui la possède une troisième patte qui sert uniquement à tenir le condensateur en place sur sa carte. Cette troisième patte n’est reliée nulle part.
Condensateur chimique radial 63v, 4700uf, on peut lire sa date de fabrication (05-79).
Le point noir sur la patte indique le -.
Condensateur chimique axial polarisé de 250uf, prévu pour une tension de 50 à 60 volts. Condensateur datant des années 60.
Condensateur chimique polarisé, 15000uf 56 volts. Il dispose de deux pattes supplémentaires permettant un montage sécurisé sur une carte. Ces pattes ne sont pas « actives ».
L’achat.
Avant l’achat, il va falloir faire la liste des chimiques à changer.
Je vous déconseille très fortement d’utiliser le manuel de service pour faire la liste. Les erreurs sont nombreuses dans ce genre de documents et durant la vie commerciale de votre appareil, la construction a peut être évoluée, les composants aussi.
Pour la même raison, laissez tomber la liste diffusée sur le web et réalisée par un inconnu sympa.
Vous allez devoir faire la liste en auscultant consciencieusement votre appareil, notez tout et vérifiez deux fois. Certaines références sont parfois difficiles à lire car mal placées.
La plupart du temps, on peut deviner les valeurs par symétrie. Vous devrez peut être en dessouder quelques uns pour être sur.
La liste est faite, c’est parfait ! Rapprochez vous d’un commerçant reconnu ayant un bon débit (cela pour éviter des chimiques stockés depuis des années).
Vous avez reçu votre commande, vérifiez bien à la réception que vous avez le bon nombre de composants et que le préparateur ne s’est pas trompé en remplissant les petits sachets.
Le montage
Des outils sont nécessaires :
Un fer à souder correct, une puissance faible (25 à 30 watts) est recommandée pour la quasi-totalité des composants. Néanmoins, pour les gros chimiques de filtrage d’alimentation, il sera difficile de dessouder les anciens, avec un fer de cette puissance (et il faudra prévoir une taille de panne adaptée)
L’idéal étant une station de soudure, à température réglable.
Une pompe à dessouder, un modèle bon marché fera l’affaire. Je vous conseille d’avoir également sous la main de la tresse à dessouder, pour certains endroits difficile à atteindre avec la pompe.
De l’étain, évitez les premiers prix (je ne rentre pas dans les détails des diverses compositions chimiques que l’on trouve sur le marché, mais préférez avec du plomb).
Divers outils « habituels » comme des tournevis, pinces, brucelles…
Quelques conseils avant de commencer :
Prenez des photos. Cela vous permettra de retirer le doute quand au sens de montage d’un condensateur fraichement dessoudé.
Ne tenez JAMAIS compte du marquage sur les cartes, les erreurs sont nombreuses.
Si possible ne remplacez pas la totalité des chimiques en une seule fois !
Si au rallumage, votre appareil ne donne plus de signe de vie, il vous faudra du temps pour retrouver votre erreur.
Sur un amplificateur, au montage symétrique, profitez en pour faire un côté, et remettez le en route. Cela vous permettra de faire un comparatif avant/après. Évitez de toucher d’autres composants que les condensateurs, ce qui amènerait le doute en cas de panne.
Dessouder un condensateur chimique :
La solution de facilité est de chauffer un point de soudure et de coucher le condensateur ce qui dégagera une patte. Puis refaire la même chose pour l’autre point de soudure.
L’inconvénient c’est qu’il est tout à fait possible de détériorer la carte, et en ne retirant pas l’ancienne soudure, les trous ne seront pas visibles, vous obligeant à chauffer pour y insérer le nouveau condensateur, avec comme risque le décollement de la piste.
Bref, je vous conseille un travail propre. En l’occurrence de chauffer les points de soudures et d’utiliser la pompe à dessouder ou la tresse à dessouder.
L’insertion du nouveau composant en sera facilitée, la qualité de la soudure bien supérieure.
Il est possible que vous tombiez sur un condensateur collé sur la carte, facilitant le soudage en usine. Il faudra peut être forcer un peu pour l’enlever. Nettoyez cette colle, grattez pour enlever les résidus.
Une des colles utilisée à l’époque à la fâcheuse tendance à s’oxyder et à devenir conductrice, occasionnant de multiples pannes en rongeant entre autre les condensateurs (déjà rencontré chez Sony, Nikko, Sansui…). Enlevez tout ça !
Comme précisé plus haut, les gros condensateurs de filtrage d’alimentation sont parfois difficiles à dessouder. Soyez patient !
Vous avez changé une partie des condensateurs et vous aller remettre en route ?
STOP !
Contrôlez encore une fois votre travail, aidez vous des photos que vous avez prises au début. Avez-vous coupé correctement les pattes des nouveaux composants en place ?
Contrôlez les points de soudures pour être sur de ne pas avoir « débordé ».
Vérifiez que de la soudure ou des morceaux de métal ne soient pas tombés dans l’appareil, secouez le si besoin.
NE METTEZ PAS EN ROUTE EN AYANT VOTRE VISAGE AU DESSUS DE L’APPAREIL !
Un petit condensateur monté à l’envers, c’est un petit pétard.
Un gros condensateur qui explose, ce n’est pas du tout la même chose. Cela m’ennuierais que vous perdiez un œil !
Éloignez vous, en étant toujours près à débrancher au moindre signe suspect.
Si vous avez fait une erreur dans le sens de montage d’un condensateur, celui-ci peut exploser instantanément ou quelques minutes plus tard…
Voila, ça y est, tous les chimiques de votre appareil sont neufs.
La remise en route s’est bien passée. Selon l’appareil, le nombre de condensateurs remplacés, les références des nouveaux venus, il faudra peut être 100 heures de fonctionnement pour profiter réellement de votre intervention. Soyez patient !
Pour terminer : si l’appareil en question est en panne, ne commencez JAMAIS par remplacer les condensateurs en espérant le dépanner ainsi. Il faut trouver la panne avant toute chose !