STICK Mc GHEE
Spo-Dee-0-Dee: comment l'obtenir, comment l'utiliser
Très rares sont dans la vie les vérités dignes d'être considérées comme absolues. Les sages de l'Hellade n'en énumèrent que trois:
"Tout passe, rien ne demeure";
"Donnez-leur le doigt, ils vous prendront le bras";
"Toute chose, d'où qu'elle vienne, peut être ramenée à l'élément liquide".
Une quatrième a souvent été attribuée à Thalès de Milet. Que cette attribution soit exacte ou non importe peu, puisque la vérité en question a été
infirmée il y a deux ans par plusieurs femmes courageuses portant des Undie Leggs (marque de collants américaine) Pour ma part, je les approuve.
Mais les sages de !'Hellade ignoraient tout de la chanson intitulée Drinkin' wine, Spo-Dee-0-Dee ("On boit du vin, Spo-Dee- 0-Dee") ; et ils ne
savaient pas que cette chanson a inspiré plus de grands enregistrements que toute autre dans l'histoire de ce que les présentateurs de télévision
ont coutume d'appeler le secteur du rock'n'roll. Les sages avaient une excuse, car ils sont morts bien avant la chanson dont nous parlons, et même
bien avant la télévision.
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Granville McGhee, l'auteur de Drinkin' wine, Spo-Dee-0-Dee et d'un tas d'autres chansons, naquit le 23 mars 1917 à Knoxville (Tennessee) .
Son frère aîné, plus célèbre et moins doué que lui, Brownie McGhee, attrapa la polio dans son enfance.
Pour s'en sortir, le jeune Brownie se construisit une voiturette de bois et confia à son petit frère la tâche de le pousser au moyen d'un bâton.
Granville prit l'habitude de garder le bâton sur lui en permanence, ce qui lui valut le sobriquet de Stick - "Bâton" - McGhee.
Cette histoire est déjà bien intéressante.
Stick commença à jouer de la guitare à l'âge de treize ans environ. Il quitta le lycée au bout d'un an et trouva un boulot chez Eastman Kodak,
où son père était employé. Il quitta cette boîte vers 1940 et s'en alla à Portsmouth (Virginie), puis à New York, où il s'engagea dans l'armée peu
après la déclaration de guerre des Etats-Unis au Japon, en 1941. Chauffeur de camion au sein d'une unité de blanchisserie, il fut blessé dans le
Pacifique. Après avoir servi au Japon et en Corée, il revint chez lui en héros.
En cette qualité, et muni d'une pièce de monnaie, il pouvait utiliser un téléphone public.
Dans l'armée, les copains de boisson de Stick - des gens de couleur comme lui - chantaient une chanson, les soirs de beuverie, quand ils étaient
au comble de l'excitation :
Drinkin' thar mess is our delight..................................Boire cette saloperie, c'est nôtre plaisir
And when we get drunk, start fightin' all night................Et quand on est bourrés, on se bagarre toute la nuit
Knockin' out windows and tearin' down doors,.................On brise les fenêtres ,on démolit les portes
Drinkin' half-gallons and callin' for more........................On boit un gallon et on en redemande
Drinkin' wine, morherfucker, drinkin' wine !Goddam ! .......On boit du vin :colere: , on boit du vin ! Putain !
Drinkin' wine,motherfucker, drinkin'wine ! Goddam ! ........On boit du vin :colere: , on boit du vin ! Putain !
Drinkin' wine, motherfucker, drinkin'wine !Goddam !.........On boit du vin :colere: , on boit du vin ! Putain !
Pass that bottle to me!.............................................Passe moi cette bouteille !
Et ainsi de suite. Après la guerre, en 1946, Stick et son frère Brownie (qui faisait des disques depuis 1944) s'associèrent pour graver une version
de cette délicate chanson à boire destinée à la firme Harlem, filiale de Southern Records dont le siège se trouvait au 1823, Cottage Grove Avenue,
à Chicago. Ils atténuèrent quelque peu les paroles en intitulant la chanson Drinkin'wine, Spo-Dee-0-Dee. (Sam Theard, comédien noir et co-auteur
de Let the good times roll -"Laisse le bon temps rouler" -, utilisait ce pseudonyme depuis les années trente quand il se produisait sur scène et avait
enregistré un disque intitulé Spo-Dee-0-Dee chez Vocalion en 1937.)
Sorti en janvier 1947 et vendu quarante-neuf cents, le disque n'eut aucun écho. Mais, deux ans plus tard, le 14 février 1949, Stick refit
Drinkin' wine, Spo-Dee-0-Dee pour la firme Atlantic. Cette nouvelle version entra dans le classement rhythm'n'blues le mois suivant et finit par
atteindre la troisième place.
La première reprise du morceau de Stick fut enregistrée par Lionel Hampton avec le grand "brailleur de blues" (blues shouter) Sonny Parker,
chez Decca. (Decca racheta en outre à la firme Harlem l'enregistrement original de Stick - celui de 1946 - et le ressortit.) Il y eut ensuite une
version par Wynonie Harris, enregistrée chez King le 13 avril. La troisième reprise fut gravée, dans un style hillbilly-bop, par Loy Gordon & his
Pleasant Valley Boys ("Loy Gordon et ses Garçons de la Vallée Plaisante") le 23 août pour Atlantic, chez qui Stick était sous contrat.
Drinkin' wine, Spo-Dee-0-Dee fut repris plusieurs fois pendant les années cinquante: par Malcolm Yelvington, chez Sun, en 1954; par Johnny Burnette
chez Coral, en 1957; par Jerry Lee Lewis, chez Sun, en 1959. (Jerry Lee réenregistra la chanson une première fois chez Smash en 1964, puis chez
Mercury en 1973.)
Même si deux de ces versions seulement - celle de Wynonie Harris (1949) et celle de Jerry Lee (1973) - ont eu un succès commercial à peu près
comparable à l'original, toutes sont magnifiques, ce qui est peu banal; aucune autre chanson, à mes yeux, n'a enfanté une progéniture aussi belle
et variée. Et ne venez pas me parler de cette merde de Hank Williams, s'il vous plaît, parce que je ne veux pas l'entendre.
Stick McGhee continua d'enregistrer des disques pour Atlantic, mais son unique tube en dehors de Drinkin' wine fut une version instrumentale du
succès country de 1951 Tennessee waltz ("La valse du Tennessee"), qu'il enjoliva en y ajoutant le mot blues. Certains de ses enregistrements étaient
très chauds - Drank up all the wine last night ("J'ai bu tout le vin hier soir") et Vénus blues ("Le blues de Vénus") en 1950, Let's do it ("Faisons le")
et One monkey don't stop no show ("Un singe n'arrête pas le spectacle") en 1951 -, sans pour autant faire bouillir la marmite. Il fit un disque pour
London début 1951. Nouvel échec.
En 1952, Stick quitta Atlantic pour aller chez Essex, où il enregistra un disque complètement raté: My little rose ("Ma petite rose"); puis, en 1953,
chez King, il fit beaucoup d'excellent rock'n'roll - Whiskey, women and loaded dice ("Du whisky, des femmes et des dés truqués"), Dealin' from the
bottom ("Je trafique depuis le fond" ), Jungle juice ("La gnôle de la jungle"), Double crossin' liquor ("Boisson traîtresse"), Get your mind out of the
gutter ("Pense à autre chose qu'au caniveau") - et très peu de ventes.
Après avoir quitté King, il enregistra un disque chez Savoy en 1955, mais le cœur n'y était plus.
Stick cessa d'être actif en tant que musicien, mais pas en tant que buveur. En 1960, son frère le persuada de graver un disque pour la firme Herald,
à New York. Les deux faces de ce disque, Money fever ("La fièvre du pognon") et Sleep-in job ("Mon boulot, c'est de dormir"), étaient plus perverses
et plus chouettes que le tout-venant de cette année-là, mais elles sortirent dans l'indifférence générale.
Cette fois, Stick retourna dans l'ombre pour ne plus jamais en sortir.
Stick McGhee mourut à l'hôpital des anciens combattants, dans le Bronx, le 15 août 1961, d'un cancer.
Il avait à peine quarante quatre ans.
Il ne lui restait pas grand-chose au moment de s'en aller, mais ce qu'il avait, il le légua au fils de Brownie.
C'était une vieille guitare. Parmi ses accords, ses grincements et ses résonances gisait quelque part la force du Spo-Dee-0-Dee.
Incontestablement.
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à suivre : Bill Haley
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14-Les oubliés du R'n'R : " Stick Mc GHEE "
- hencot
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