Effectivement, pour le courant continu le HP woofer et le HP medium apparaissent comme câblés en parallèle, ceci en négligeant les résistances "cuivre" des inductances du filtre.THM a écrit :michel29 a écrit :Enfin, et c'est là qu'est l'astuce de Joseph Léon, la 1303 n'est pas une 3 voies mais une 2 voies et demi : le haut-parleur de grave et celui de medium sont câblés en parallèle, d'où le choix d'une impédance de 15 ohms pour ces HP. Ce câblage présente l'avantage de doubler la puissance admissible par les petits haut-parleurs et d'augmenter la sensibilité de l'enceinte. Le haut-parleur de medium n'est pas filtré dans le grave. Il émet donc des basses fréquences par l'avant et par l'arrière (l'évent au dos de l'enceinte).
Mettons-nous en situation, en 1973, qui est l'année où la 1303 a été mise en chantier.
A cette époque le public est sensible au diamètre du haut-parleur de graves. Le public se sent rassuré, flatté, lorsqu'il voit un grand HP de graves, fièrement monté dans une enceinte qui reste logeable. Or, physiquement, ce sont les enceintes conçues de la sorte, qui délivrent un affreux son "tonneau". Surtout les enceintes closes. Il y a bien les enceintes bass-reflex, mais à cette époque celles-ci sont rarement optimisées pour une écoute neutre. Les constructeurs, pour ne pas dévaloriser leurs gammes d'enceintes closes qui sonnent "tonneau", mettent au point leurs enceintes bass-reflex pour qu'elles délivrent elles aussi un son "tonneau", afin qu'elles ne pêchent pas par manque de grave lorsque vient l'heure du choix en auditorium. Philips fait figure de sage, notamment avec la grande RH427 (enceinte close hélas trop grande pour Madame) et avec l'enceinte active assistée RH532 MFB tout juste apparue en 1973 (hélas trop chère).
En 1973, une bonne enceinte 3 voies reste chère. Le public terrorisé par la crise pétrolière de 1973 se tourne alors vers les enceintes 2 voies, moins chères. Là encore la préférence va vers les enceintes munies d'un gros HP de graves. Or, un grand HP de graves est incapable de délivrer du médium de qualité. Par conséquent toutes les enceintes 2 voies munies d'un grand HP de grave délivrent non seulement un grave "tonneau" (aggravé en cela par le litrage en diminution), mais aussi un médium "brouillon". Sans parler du fait qu'avec un grand HP de graves, les centres acoustiques se trouvent fortement décalés, ce qui engendre des problèmes de directivité. L'ennemie de la HiFi, c'est l'enceinte 2 voies munie d'un grand HP de graves, or c'est ce que le public demande en 1973.
Lorsqu'on réalise cela, on voit le courage de P.E. Léon, qui avec la 1303, va à contre-courant.
Dans la 1303, P.E. Léon met en oeuvre un véritable caisson de basses.
Le HP de basses se trouve monté entre deux cavités, avec un gros évent qui débouche sur l'avant.
Tel caisson de basses fonctionne entre 50 Hz et 150 Hz, éradiquant toute résonance "tonneau".
Aujourd’hui, en 2014, la fréquence de coupure basse de 50 Hz apparaît comme un peu juste. On préfère une coupure basse à 35 Hz.
Quoi qu'il en soit, en 1973 une telle enceinte sera forcément difficile à vendre, car elle cache son HP de graves.
Ceux qui l'achèteront l'auront jugée non sur son apparence, mais sur ses résultats.
Le caisson de basses est un système du 4ème ordre du point de vue acoustique : passe-haut du 2ème ordre à 50 Hz, et passe-bas du 2ème ordre à 150 Hz.
En 1973, la première idée qui vient est de raccorder à 150 Hz le versant passe-bas du 2ème ordre du caisson de basses, avec le versant passe-haut du 2ème ordre d'un HP medium monté dans une petite enceinte close, calculée pour démarrer à 150 Hz.
Pour la mise en phase, s'agissant de systèmes du 2ème ordre, il n'y a qu'à inverser la polarité du HP médium. Il en résulte une phase globale massacrée, mais c'est le lot de tous les haut-parleurs multivoie - hormis filtres numériques FIR ou filtres numériques IIR bidirectionnels qui n'existent pas encore en 1973.
La première faiblesse est que si la cavité du caisson de basses émet des sons parasites à haute fréquence, rien n'est prévu pour les atténuer, puisque jusque ici, le HP de basses est attaqué sans filtre aucun. On rajoute alors une self en série avec le HP de basses (passe-bas du 1er ordre), quitte à légèrement dérégler le raccordement. C'est ce qu'à fait P.E. Léon.
Symétriquement, comme de son côté le HP de medium est lui aussi attaqué en direct sans filtre aucun en ce qui concerne les basses, ce dernier se trouve soumis à rude épreuve lorsqu'il y a beaucoup de basses dans le signal. P.E. Léon a jugé que cela n'était pas rédhibitoire, car le public qui achète une telle enceinte qui cache son HP de graves, n'est pas du genre disco.
A ce stade, on a devant nous un prototype de 1303 qui ne donne pas encore satisfaction.
Pour linéariser la courbe de réponse dans le (bas?)-medium, P.E. Léon rajoute deux cavités dans l'enceinte du HP medium, communiquant à l'aide d'évents internes. Un de ces cavités est équipée d'un deuxième évent qui débouche sur la face arrière. Un jour il faudra modéliser cela, pour savoir 1) si cette rajoute fait travailler le HP medium en bass-reflex (cela ruinerait le raccordement du 2ème ordre décrit plus haut), ou 2) si cette rajoute se limite à enlever ou retrancher deux ou trois décibels à différentes fréquences dans le (bas?)-medium. Ce qui me flipper là-dedans est que le petit évent qui débouche sur l'arrière, fait perdre au HP medium sa protection contre le talonnement. On perd le ressort relativement rigide formé par l'air alternativement comprimé et détendu dans l'enceinte medium, maintenant que la pression s'échappe par l'évent arrière. C'est très préoccupant.
En 2014, l'idée qui vient est de raccorder à 150 Hz, non pas en profitant des pentes naturelles du 2ème ordre, mais en passant à un 4ème ordre de chaque côté. C'est le principe du raccordement du 4ème ordre selon Linkwitz-Riley. Tel principe avait été présenté à l'AES en 1974, donc avant la mise en chantier de la 1303. L'avantage de ce type de raccordement, est que le HP graves se trouve électriquement filtré en 2ème ordre passe-bas (toute remontée parasite se trouve donc naturellement atténuée), et que le HP medium se trouve électriquement filtré en 2ème ordre passe-haut (il se trouve bien isolé de l'énergie considérable qu'il y a dans l’extrême grave, sur un programme disco). Il y a cependant un inconvénient. S'agissant d'un raccordement sans déphasages relatifs, du 4ème ordre au lieu du 2ème ordre, la phase globale se trouve deux fois plus massacrée.
Enfin, bref, tout cela me laisse un goût étrange, car en 1973, n'importe quel ingénieur pouvait concevoir une bonne enceinte colonne close 3 voies équipée de deux HP grave de 25 cm, deux HP medium de 10 cm et un HP tweeter à dôme. Fréquences de coupure 300 Hz et 3000 Hz. Disposition MTMWW en partant du haut, tweeter à la hauteur des oreilles. D'accord, une telle enceinte ni large ni profonde (pour que Madame l'accepte), ainsi équipée de deux woofers de 25 cm, aurait sonné "tonneau" ou manqué de grave. Pourquoi donc les amplis n'ont-ils pas été équipés d'un égaliseur spécialisé dans le grave, avec un potentiomètre pour le facteur Qs (le coefficient de résonance de l'enceinte dans le grave) et un potentiomètre pour le facteur Fs (fréquence de résonance de l'enceinte dans le grave). L'usage aurait été que dès que l'on branche une enceinte sur un ampli, il faut tourner ces potentiomètres selon les données constructeurs de l'enceinte. Après correction effectuée par l'ampli, il en aurait résulté une courbe de réponse à la fois linéaire et étendue dans le grave, par exemple 35 Hz à -3dB avec Q = 0.65. Les amplis les plus performants auraient été dotés d'un dispositif légèrement plus compliqué permettant d'étendre ou de restreindre le grave : un potentiomètre Fc (fréquence de coupure après correction, gradué de 20 Hz à 80 Hz) et un potentiomètre Qc (facteur de résonance après correction, gradué de 0,50 à 0,75). En plus de cela, des protections auraient peu être intégrées, comme automatiquement réduire Fc lorsque le HP graves commence à talonner. Quelle bizarrerie, que ce marché de la HiFi. On y glose sur ce qui est superflu, et on n'y parle jamais de ce qui est essentiel.
