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Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

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vendin
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Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par vendin »

Je viens d'acquérir l'un des derniers CD d'Yves St Laurent d'un concert donné en janvier 1944 avec l'orchestre de Radio Paris. Je vous laisse lire l'article ci-dessous publié dans Le Devoir, quotidien d'information de Montréal.

Ce que je peux en dire c'est que c'est une interprétation exceptionnelle que les amoureux de cette œuvre ne doivent pas ignorer!

Voici son histoire!



"Dans les sillons de l’Histoire, l'enregistrement d'un concert de Mengelberg pour Radio-Paris

Sur son étiquette St-Laurent Studio, le restaurateur de documents sonores québécois Yves St-Laurent publie un concert troublant de Willem Mengelberg enregistré le 20 janvier 1944 par le Grand Orchestre de Radio-Paris. Une interprétation unique et poignante de la Symphonie no 6, « Pathétique » de Tchaïkovski qui soulève nombre d’interrogations.

Ainsi donc, un chef hollandais d’origine allemande, banni après la guerre pour accointances nazies, dirige un orchestre français dans la plus emblématique symphonie russe, au moment où l’armée allemande perd la guerre sur le front russe. Le tout est diffusé sur la radio honnie de l’occupant nazi à Paris.

Qu’est-ce qui cloche dans cette équation ? La question se fait plus ardue lorsque l’on connaît le legs musical de Mengelberg et que l’on entend, certes, « sa » Pathétique, mais dans une vision dantesque qui ajoute deux minutes à la fois au premier et au dernier mouvement.

Que nous disent Mengelberg et l’orchestre ici ? Pourraient-ils le faire ainsi, avec tant de tension et de risques, s’ils n’étaient pas en phase musicale, voire idéologique ?

Sauvetage miraculeux

« Une restauration longue et méticuleuse a été nécessaire pour corriger les nombreux défauts techniques de cet enregistrement. Son extrême rareté et son intérêt artistique et historique justifient sa diffusion », écrit Yves St-Laurent dans la notice. Il est vrai que cela gratte et chuinte un peu. Mais ce qu’on entend est fascinant.

La rareté était plus qu’extrême. À la Libération, les locaux de Radio-Paris ont été saccagés et détruits. Tous les enregistrements de concerts étaient donc réputés disparus. Or, « trois ensembles complets de disques Pyral d’enregistrements en direct ont été subtilisés, conservés intacts pendant 65 ans, retrouvés enveloppés de papier journal dans une cave et proposés à la vente au marché aux puces de Lyon fin 2008 », rapporte au Devoir leur acquéreur de l’époque, le collectionneur Jean Farjanel, de Lyon.

« L’absence de noms sur la cire ou les étiquettes des disques Pyral (disques en aluminium recouverts d’une couche de laque) décourageait les autres acheteurs », s’amuse M. Farjanel.

Les disques achetés par Jean Farjanel contenaient les concerts donnés par le chef Willem Mengelberg les 16 et 20 janvier 1944. Ils ont été édités dans un premier temps en CD par l’étiquette française Malibran. Aujourd’hui, ils sont la possession d’Éric Derom et de la Fondation Mengelberg d’Amsterdam, source de la publication d’Yves St-Laurent.

Un message

Willem Mengelberg est, avec Weingartner, Toscanini, Walter, Klemperer et Furtwängler, l’une des légendes de la direction d’orchestre d’avant-guerre. Sa ville, c’est Amsterdam. Véritable maniaque, Mengelberg couvre ses partitions d’annotations avec des crayons gras rouge et bleu. Il annote de la même manière les partitions des instrumentistes, ce qui permet de reconnaître sa patte interprétative, voire ses tics, puisque Mengelberg est un chef hyperexpressif.

Il existe deux versions de la Symphonie pathétique sous sa direction, enregistrées pour Telefunken en 1937 et 1941. Il est donc facile de l’anticiper dans cette œuvre et d’entendre de quel poids dramatique, particulièrement fulgurant, il charge ce concert.

Se posent donc les questions, morales, fondamentales. Quelqu’un dit quelque chose ici. Mais quoi ? Et à qui ? Qui est donc ce public et qu’applaudit-il ? Au-delà de cela, qu’apprécions-nous ? Qu’est-ce qui nous fait vibrer ? Il serait fort malaisant que ce soient les miasmes de la barbarie nazie.

Les ouvrages de référence sur la période — La musique à Paris sous l’Occupation, de Myriam Chimènes et Yannick Simon (Fayard) et The Shameful Peace, de Frederic Spotts (Yale University Press) — sont peu diserts sur le sujet. Potts range les apparitions de Mengelberg, notamment en 1941 et 1942, dans la rubrique « Assaut culturel massif ». Il convient en l’occurrence d’adopter une approche plus subtile et circonstanciée.

Tout d’abord, la Pathétique était répertoire interdit en Allemagne depuis le retournement du pacte germano-soviétique. Le fait de voir Mengelberg l’imposer dans des zones occupées (Paris, puis Amsterdam) en 1944 ne semble pas le fait d’un chef acquis à la cause nazie.

Quant au diffuseur, Jean Frajanel souligne que « Radio-Paris existait avant la guerre, depuis 1923, comme radio privée, et fut annexée en 1940, à des fins de propagande ». L’orchestre comprenait, par exemple, aux timbales Pierre Dervaux, futur chef d’orchestre et directeur musical de l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) (1968-1975) et avait pour violoncelle solo Paul Tortelier.

Le 16 janvier, Tortelier et Mengelberg mettent au programme le Concerto pour violoncelle de Dvořák. Comme le souligne le livret de la parution Malibran, dans ses Mémoires, Tortelier affirme qu’à travers son concerto « Dvořák engage le combat héroïque d’un homme pour l’indépendance de son pays ». Cet alter ego concertant militant se trouve sur « Mengelberg, vol. 1 », alors que la Pathétique est associée au Concerto no 2 de Chopin par le très collaborateur Alfred Cortot.

Pour se réchauffer

Nul doute que Radio-Paris était idéologiquement souillée de toutes parts, mais en pratique, les concerts étaient du pain culturel pour tous. Les concerts de Willem Mengelberg étaient un sommet dont on ne pouvait que rêver. Mengelberg a dirigé 29 fois l’orchestre entre 1942 et 1944. Eric Derom rappelle un mot du violoncelliste Maurice Gendron disant que le chef avait « apprivoisé l’orchestre comme un cheval ».

Quant au public, qui entend-on applaudir ? Dignitaires des forces d’occupation, collaborateurs choyés ou peuple de Paris ? Jean Farjanel a creusé la question. « Les concerts publics avaient lieu le soir et étaient gratuits. Nous savons que le public était composé de gens avides de musique (des jeunes surtout) et de Parisiens glacés (un des plus rudes hivers) venus ici se chauffer. Les concerts payants, eux, attiraient une large gamme d’auditeurs, la salle pouvant même être exclusivement composée de militaires allemands au grand malaise des musiciens. »

En résumé, selon ce mélomane amateur d’histoire qui s’est passionné pour sa découverte : « Tortelier et Mengelberg, à quatre jours d’intervalle, livrent, les 16 et 20 janvier 1944, le même message et la même combativité passionnée, à savoir qu’il faut mener combat contre la tyrannie de l’occupant. » Par ailleurs, « aucun mélomane ne pouvait alors ignorer le sens des interprétations de Dvorak et Tchaïkovski ».

Si telle est la vérité derrière les notes que nous entendons, nous sommes encore plus inconsolables des autres documents perdus à jamais. Mengelberg, qui avait perdu sa femme trois mois plus tôt (piste d’explication plus intime, mais qu’on ne saurait négliger), dirigea sept concerts en janvier 1944 et cinq en février, ainsi qu’un cycle Beethoven en mai et en juin. Que ne donnerait-on pas pour entendre ces Beethoven, la 1re et la 3e de Brahms, la 5e de Tchaïkovski ?

Le concert de la 9e Symphonie de Beethoven à Paris, le 18 juin 1944, sera le dernier dirigé à vie par Willem Mengelberg. Il décédera en 1951, en Suisse, deux mois avant la fin d’un bannissement imposé après la guerre. Il n’a jamais compris cet opprobre, lui qui avait poursuivi ses activités parce que « comme le soleil, la musique doit être là pour tous les peuples ». Militant de la musique, Mengelberg dirigeait encore la musique de Mahler en 1940, alors dite « dégénérée », et avait protégé les emplois des musiciens juifs de son orchestre.

Alors, Mengelberg « musicien nazi » ? Et si la musique nous apportait la réponse ?
Willem Mengelberg, vol. 2"




Willem Mengelberg, vol. 2

20e grand concert public de Radio-Paris. 20 janvier 1944 à 20 h 15. Oeuvres de Chopin et Tchaïkovski. YSL 2 CD 0901 78
Modifié en dernier par vendin le jeu. 14 oct. 2021 17:57, modifié 2 fois.
Pascal.
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lokikool
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par lokikool »

Merci Pascal,
Tes chroniques musicales et culturelles sont toujours un enchantement et l'occasion de découvrir une œuvre ou un interprète!
Laurent
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vendin
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par vendin »

Merci Laurent!
Pascal.
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adrtc
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par adrtc »

Pascal,
Ton message me donne envie d' écouter ce cd, mais YSL 2 CD 0901 78 ne m' a donné grand chose sur Google.
Aurais-tu un visu du cd ?
Anthony ♫
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vendin
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par vendin »

:hello: Anthony!

http://www.78experience.com/welcome.php ... ue_id=1678

Tu peux checher à Mengelberg vol:2

Il n'y a pas de problème de rupture de stock, Yves les fait à la demande, quand il a fini sa journée d'instituteur:).
Pascal.
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adrtc
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par adrtc »

Merci !
Anthony ♫
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vendin
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Re: Symphonie n°6 Pathétique par Mengelberg 20/01/1944

Message par vendin »

:hello: à tous!

J'ai pu écouter plus longuement maintenant cette œuvre dans cette interprétation et elle ne cesse de m'enthousiasmer, les tempos ont beau être lents il y a comme une urgence et une tension dramatique palpable.

Si certains d'entre vous étaient tentés de se la procurer, il y a quand même quelques petites choses à savoir en ce qui concerne la prise de son.

Les aficionados de la stéréo seront surpris pas cette prise de son mono en gravure direct sur disques Pyral. C'est en gros l'inverse d'une écoute stéréo qui aura tendance à éloigner l'auditeur et lui donnera l'impression d'être au premier rang du premier balcon, là on est à la place du chef dans une écoute complétement immersive. Il y a bien sûr pas mal de défauts techniques liés au principe, à la matière utilisée, à l'age et au stockage, mais la clarté, la présence, la lisibilité et la beauté des timbres sont bien là. De plus Yves n'a rien coupé et on a bien tout le concert dans son ensemble avec de longs moments entre les mouvements. L'ambiance "live" est remarquable et on entend bien le double coup de baguette rapide sur le pupitre qui est l'une des marques du chef au départ de chaque mouvement pour mobiliser l'attention des musiciens. Donc, malgré les bruits de surface bien présents, le cerveau fait vite la part des choses et l'écoute est un vrais bonheur.
Pascal.
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