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Les Beatles .....La dynamique du groupe

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hencot
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Enregistré le : mer. 31 mars 2010 18:46
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Les Beatles .....La dynamique du groupe

Message par hencot »

Maintenant on parle de drôles de bestioles .......vous pouvez ranger les couteaux ...il y a longtemps que j'ai perdu la tête .!!!

Les Beatles

La dynamique du groupe

À moins d’être un saint, il est impossible d’aimer les Beatles naturellement. Pour d’innombrables raisons. Parce que les Beatles étaient les premiers,
ils présentent les inconvénients des défricheurs : ce qu’ils ont inventé a ensuite été développé avec plus d’ampleur. Parce que John Lennon était
prétentieux et qu’il s’est ridiculisé plus d’une fois tout au long de sa courte vie. Parce que McCartney était le gendre idéal. Parce que Harrison a été
hippie avant que le mot ne soit inventé. Parce que Ringo avait un pseudonyme idiot et qu’il chantait l’abominable Yellow Submarine. Parce que les
Beatles ont été déifiés, et qu’il est invariablement plus amusant, et plus snob, de ne pas aimer les icônes. Parce qu’ils n’ont jamais vraiment été
« rock ». Parce que, enfin, leurs morceaux sont devenus de telles scies qu’il est impossible de les écouter avec une oreille vierge.

C’est une posture qui vaut ce qu’elle vaut, et qui peut éventuellement permettre de se distinguer en société où ce genre de déclaration ne
manquera pas de déclencher son lot d’évanouissements et de manifestations hostiles. Hélas, passé un certain âge et un minimum d’éducation,
tout s’effondre. L’acharné pourra jouer la carte du cynisme absolu, il ne parviendra, au mieux, qu’à démontrer la plus insondable bêtise.
Point par point, tout s’effondre…

Les Beatles étaient effectivement les pionniers. Partir à leur découverte procure le même genre de plaisir que comprendre Bach pour la première
fois. Ou se prendre en pleine face la modernité d’un solo de Charlie Parker. Ou s’émerveiller en regardant Les Rapaces de von Stroheim. Écouter les
Beatles, attentivement, c’est voir les germes pousser: tout ce qui va se passer plus tard se trouve là. Lorsqu’on parvient à oublier tout ce qu’on sait
à leur sujet, ce qui nécessite beaucoup de travail et de concentration, la récompense est immense: on assiste à la naissance du monde moderne.
Parce que, de la même manière que le XXe siècle a débuté en 1918, après la Grande Guerre, le XXIe est né en 1962 avec leurs premiers
enregistrements.

Quant à leurs personnalités tellement marquées dès leurs débuts (« Qui est votre Beatle favori ? » scandaient les réclames…), elles participent
d’une harmonie explosive, donc parfaite pour un groupe de rock. Lennon était agaçant, et c’est tant mieux. Il fut le premier, s’inspirant sans doute
de Dylan, mais allant beaucoup plus loin, à avoir pratiqué cette morgue vaguement hautaine qui caractérisera plus tard la rock star totale, de
Lou Reed à Liam Gallagher en passant par Johnny Rotten ou Kurt Cobain. Lennon était né en colère, la beatle-mania l’a rendu encore plus fou…
McCartney était le musicien perfectionniste, bien plus curieux musicalement qu’on ne le prétend. Ses parties de basse restent hallucinantes, tant
d’années après. Il est la colonne vertébrale du groupe… Ses compositions, naturellement « verticales », très riches d’un point de vue harmonique,
complètent idéalement la tendance d’écriture « horizontale » plus simple et immédiate d’un Lennon qui restera marqué à vie par le rock and roll
fifties.

Harrison, en s’éloignant des clichés du blues en vogue à l’époque (Stones, Pretty Things, Yardbirds), inventa un vocabulaire qui, s’il semble évident
aujourd’hui, était inédit en son temps…

Ringo Starr n’était sans doute pas Keith Moon ni Ginger Baker, mais il était le batteur parfait pour son groupe. Plein de swing, sobre, mais moins
minimaliste que Charlie Watts. Ceux qui en doutent peuvent réécouter Rain et sa ligne de batterie inouïe. Sa frappe élastique, rebondissante, reste
instantanément reconnaissable. Personne n’aurait voulu d’un John Bonham chez les Beatles…

Sur leur incapacité à sonner réellement rock, il n’y a pas grand-chose à dire, si ce n’est que c’est assez juste, mais que dans, le fond, ce n’est pas
déterminant. Malgré tous leurs efforts (Back In The USSR, Helter Skelter ou leurs différentes reprises du répertoire des années cinquante), les Beatles
ne parvinrent jamais à déclencher le frisson rock and roll que les Stones, en deux mesures, étaient capables de provoquer. Dix secondes de Gimme
Shelter seront toujours plus traumatisantes que vingt écoutes de Get Back. Aucune importance: ce n’est pas pour cela qu’on écoute les Beatles.
On les écoute pour leur pop sublime, leurs trouvailles qui s’échappent du rigide carcan rock and roll toujours enfermé dans l’esthétique du blues
primal. On écoute les Beatles pour It’s Getting Better ou I’m Only Sleeping. Pour ces mélodies si typiquement anglaises – quand les Stones et
consorts rêvent de sonner à l’américaine –, si lumineuses, qui deviendront la marque de fabrique de leurs meilleurs concurrents, comme les Kinks
ou les Who du début.

Quant à la difficulté de les apprécier pour la première fois, la bonne nouvelle, c’est que l’opération est devenue possible : ceux qui sont nés dans
les années soixante-dix, quatre-vingt ou quatre-vingt-dix ont sans doute échappé à la tyrannie des Beatles et peuvent, aujourd’hui, partir à la quête
du Graal les oreilles propres. Avec en tête l’idée que, comme certains vins, les Beatles méritent de ne pas être débouchés dans l’immédiat: le mieux
est d’attendre une petite vingtaine d’années pour en apprécier davantage la complexité des arômes.

Lorsqu’on a compris tout cela, c’est la porte ouverte aux délices ultimes. L’idéal est de débuter par ce qui est moins connu et d’éviter, dans un
premier temps, les sempiternels Abbey Road, Let it Be, White Album, voire, dans une moindre mesure, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.
Parce que, contrairement à la rumeur tenace, ce n’est pas ce qu’ils ont fait de mieux… On entend déjà les cris des exégètes et autres universitaires
poussiéreux de la légende beatlesienne. Lesquels sont englués dans leurs souvenirs d’adolescence et ont souvent débuté avec ces disques imposants
, trop sans doute pour qu’ils puissent en minorer l’importance. Cette tendance, assez dictatoriale, est en train de s’estomper depuis que le génial
Ian McDonald (paix à son âme), amoureux du groupe et qu’on ne saurait accuser de snobisme, a sorti, dans les années quatrevingt-dix, un livre
majeur, jamais traduit en France, Revolution In The Head, dans lequel il décortiquait le corpus des Beatles, morceau par morceau.
Les informations gargantuesques voisinaient idéalement avec un sens critique des plus exigeants. Le constat de McDonald était sans appel :
le groupe a été à son zénith à l’époque de Revolver, soit vers 1966. C’est une année charnière dans l’histoire du rock, et particulièrement chez les
Beatles. Ils précèdent toutes les tendances puisqu’ils les inventent, durant la décennie où elles sont les plus nombreuses.
C’est le moment où la pop qu’ils avaient créée durant les premières années des sixties commence à expérimenter. C’est justement parce qu’elle
commence qu’elle est passionnante : après, la vague du psychédélisme autorisera la pire complaisance. On se hâtera d’oublier que pour faire
un bon morceau, il faut un cadre et des règles (voir Within You Without You sur Sgt. Pepper’s, le morceau qui n’était jamais rayé sur les vinyles
d’époque puisque personne ne l’écoutait). Puis, lorsque le psychédélisme deviendra ringard, la plupart des groupes opéreront un retour en arrière
et reviendront au rock and roll des années cinquante : Get Back ou Lady Madonna. Mais en 1966 et 1967, les Beatles savent mélanger, avec un sens
du dosage unique, nouvelles recherches et savoir-faire quasi ancestral. Ce qui donne la splendeur de Revolver et des singles paraissant en même
temps (ce groupe était tellement fort qu’il sortait régulièrement des chansons grandioses absentes de ses albums). C’est l’époque de Rain,
Paperback Writers, I’m Only Sleeping, Taxman, Eleanor Rigby, Got To Get You Into My Life, And Your Bird Can Sing, She Said She Said ou l’incroyable
Tomorrow Never Knows. Ce titre, introduit par des bruits de mouettes hystériques qui sont en fait les rires de Lennon passés à l’envers, est porté
par une batterie puissante et hypnotique, copiée de mille manières par tous les apprentis ténors de l’électro depuis les années quatre-vingt-dix,
lorsque son génie a enfin été apprécié à sa juste mesure. Pour parler clairement, les Beatles sont alors au summum de leur précision. Les morceaux
montrent une écriture stupéfiante, les trouvailles sonores concoctées avec le fidèle George Martin, moins poussées qu’à l’avenir avec des morceaux
comme Strawberry Fields Forever ou A Day In The Life, savent ne pas aller trop loin. Cette concision phénoménale avait déjà été développée en 1965
avec Day Tripper, We Can Work It Out, Drive My Car ou I’m Looking Through You, sur l’album Rubber Soul, intéressant moment de transition pas loin
d’être, déjà, parfait. Mais c’est avec Revolver que tout se met en place.

Sgt. Pepper’s est le prolongement de ces innovations. Le génie est encore là, bien sûr, et de quelle manière…

She’s Leaving Home, Getting Better, Lucy In The Sky With Diamonds, A Day In The Life, Good Morning Good Morning et, en single, les déflagrations
de Penny Lane et Strawberry Fields Forever offertes, faut-il le rappeler, sur un seul 45 tours illustrant parfaitement la différence dans les techniques
de composition de Lennon et McCartney… Pourtant, certains titres ne sont pas à la hauteur : Within You Without You, indulgence hindouisante,
ou Being For The Benefit of Mr Kite !, Fixing A Hole ainsi que les deux versions de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, un peu trop simplistes au
regard des canons mélodiques auxquels le groupe avait habitué ses fans jusque-là. Chanson par chanson, cet album tellement mythique se révèle
inférieur à son prédécesseur. Les suivants ne retrouveront jamais cette perfection de miniaturiste.
On sait aujourd’hui, même s’il a longtemps été interdit de le dire à voix haute, que le double album est trop long, et qu’il aurait fait un simple exceptionnel. Qui a envie d’écouter plus d’une fois Ob la di, Ob la da, The Continuing Story of Bungalow Bill, Rocky Raccoon, Don’t Pass Me By, Wild Honey Pie, Revolution 9, Piggies, ou le poussif Why Don’t We Do It In The Road, alors que, resserrées, des merveilles comme Martha My Dear, I’m So Tired, Julia, Sexy Sadie, Blackbird, Dear Prudence, et plusieurs autres, auraient constitué à l’arrivée un album simple génial ? Le problème est là : après le succès de Sgt. Pepper’s, les Beatles se pensent autorisés à faire un peu n’importe quoi (des années plus tard, les Clash auront le même réflexe en enregistrant Sandinista, triple album boursouflé, après l’excellent double London Calling). Un peu trop indulgents envers eux-mêmes, ils se mettent à publier des choses dont ils n’auraient pas voulu en face B de 45 tours ne serait-ce qu’un an auparavant. Sgt. Pepper’s a été le mètre étalon auquel doivent se confronter tous les concurrents. Les Beatles sont fêtés comme des génies absolus. Après 1967, la tête leur tourne, les ego gonflent et les dissensions apparaissent : chacun se met à composer de plus en plus dans son coin et ce faisant, le niveau d’exigence baisse considérablement.

C’est alors qu’arrive Abbey Road, l’album préféré des gens qui ne connaissent pas bien les Beatles. La pochette est légendaire, mais en réalité,
pas très belle : une bande de hippies qui traversent la rue du même nom, et qui semblent ne pas se connaître. Les Beatles ne se supportent plus,
et ça s’entend. Bizarrement, des millions de personnes vénèrent ce disque, tellement en deçà de ce dont ils sont capables. Les compositions se
traînent, se tirent, reposent parfois sur une idée (Come Together n’est rien de plus que du Chuck Berry au ralenti, Here Comes The Sun est un simple
riff de guitare gentil mais peu audacieux), et quand ils se montrent plus complexes, ils ne sont rien d’autre qu’un assemblage de plusieurs morceaux
pas assez bons pour reposer sur leur propre socle. C’est le cas de I Want You et de la majorité de la face B, faisant s’enchaîner une suite de
minichansons assez faibles. Les Beatles, fatigués, se lancent dans l’art épouvantable du medley, jusqu’ici uniquement pratiqué par un Elvis à bout
de souffle régalant les ménopausées de Vegas. Une fois de plus, Ringo y va de sa pénible chansonnette pour les moins de cinq ans : Octopus’s
Garden est indigne, tout comme l’abominable Carry That Weight, que les fans tordus ont interprété comme une somme autobiographique voire
prophétique (sur l’air de « notre poids est trop lourd à porter »). On ne voit pas trop, en dehors de l’adulation la plus hystérique, ce qui peut faire
aimer ce brouillon indigeste qui préfigure le rock progressif. Tout comme Let It Be, sorti plus tard, mais enregistré avant, truffé de compositions
médiocres péniblement rehaussées par le travail de Phil Spector, convoqué en dernier recours par un Lennon au bout du rouleau, au grand dam de
McCartney (qui en fera publier, au début des années deux mille, une version restaurée mais révisionniste dans laquelle toute intervention de
Spector sera gommée).

Autant se plonger dans leurs albums des débuts, injustement méprisés aujourd’hui, au charme juvénile assez grandiose.
.
ou au dernier...... :jesors:
.
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Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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m3uh04
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Localisation : Par là ... (13 ou 04)

Re: Les Beatles .....La dynamique du groupe

Message par m3uh04 »

"J'aime bien les histoires qui finissent mal. Ce sont les plus belles car ce sont celles qui ressemblent le plus à la vie. "
- Pierre Desproges
Vincent

"La bonne taille c'est quand les pieds touchent par terre" Coluche

Du coup c'est valable pour des enceintes ?
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Alain wagneur
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Re: Les Beatles .....La dynamique du groupe

Message par Alain wagneur »

Waouh!!! Quel texte! A peu près d'accord. En tout cas totalement d'accord pour Revolver!
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voodoo man
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Enregistré le : dim. 21 oct. 2012 16:19

Re: Les Beatles .....La dynamique du groupe

Message par voodoo man »

Plaisant à lire !
C'est sûr que Let it be par exemple est très faible à part 3 titres, le reste c'est médiocre.
Laurent
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