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17-Les oubliés du R'nR : " Hardrock Gunter "

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hencot
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17-Les oubliés du R'nR : " Hardrock Gunter "

Message par hencot »

HARDROCK GUNTER

Le mystérieux homme-cochon de fer

A la différence de la Bohème parisienne des années vingt et trente, celle de Birmingham (Alabama) ne s'exprimait pas par
la peinture et la littérature, mais par la musique. Sa voix n'était pas celle des expatriés chichiteux partis cohabiter avec l'ignoble
Grenouille(Frog Surnom donné aux Français par les anglo-saxons), mais celle des hommes - oui, des hommes - qui étaient restés chez eux
sans bouger d'un pouce .
La plupart de ces hommes gagnaient leur pain quotidien en travaillant dans les mines d'où l'on extrayait le fer, le charbon et le
calcaire, ou bien dans les usines où les matières ainsi extraites étaient transformées en acier. La musique que jouaient ces hommes
dépendait généralement de la couleur de leur peau. La country et le blues fleurissaient à Birmingham depuis la fin du xrx• siècle,
mais, dans les années qui suivirent la Première Guerre mondiale, la véritable musique de cette ville était le boogie.
Le premier et le plus célèbre des musiciens de boogie de l'Alabama fut Pinetop Smith, qui s'était installé à Birmingham dans son
adolescence. Ce fut là qu'il apprit le piano, et ce fut là qu'il enregistra Pinetop's boogie woogie ("Le boogie-woogie de Pinetop")
pour la firme Brunswick en 1928. (Trois mois après avoir fait ce disque, Pinetop fut tué par une balle perdue alors qu'il assistait à
une fête à l'Odd Fellows Lounge - "le Salon des Drôles de Mecs" - de Chicago. A partir de cette date, l'étrange expression qui
donnait son titre à la chanson commença à être employée partout où l'on parlait l'argot branché.) D'autres pianistes, tels Robert
McCoy et l'ami de Pinetop, Cow Cow Davenport, contribuèrent à alimenter l'épidémie de boogie qui s'abattit sur Birmingham
dans les années vingt et trente. Partie des quartiers Nord mal famés, elle se répandit comme une malédiction dans cette ville de l'acier et du Saint-Esprit; elle se répandit jusqu'à ce que l'Homme Blanc lui-même, dans un sublime oubli de sa noblesse, se mette à bon­ dir à son tour en signe d'allégeance à cette musique. Et parmi ces"
nobles hommes blancs se trouvait un jeune bouffeur de gadoue répondant au nom de Sidney Louie Gunter.
Il naquit le 27 février 1925 à Birmingham. Il entra au lycée en janvier 1939, réussit ses examens en janvier 1943· Il était chef de
classe et avait obtenu le grade de colonel-cadet dans le corps d'entraînement des officiers de réserve lycéens de Birmingham .
- Je n'ai jamais mis les pieds dans une mine de charbon une seule fois dans ma vie, m'avoua Gunter.
En réalité, son sobriquet lui échut en 1939, quand le toit d'un coffre de voiture lui retomba sur la tête. Ses amis furent stupéfaits
de constater que sa tête était aussi dure que le roc.
- Après cet incident, tout le monde m'appela Hardrock (""Roc dur"").
Auparavant, il n'était connu que sous le nom de Goofy Sid - "Sid le niais".
Peu de temps après avoir reçu son nouveau sobriquet, Gunter devint l'un des membres fondateurs des Happy Wilson's Golden
River Boys ("Les Gars du Fleuve d'Or de Joyeux Wilson"), qui se produisaient sur la plus vieille station de radio de Birmingham :
WAPI, "la Voix de l'Alabama".
Gunter finit par monter son propre sextette, qui comprenait, outre lui-même, un violoniste, un steel-guitariste, un bassiste, un
batteur et un pianiste de boogie-woogie. On les connaissait, dans tout Birmingham et aussi loin que la Voix de l'Alabama pouvait
se faire entendre, sous le nom de Hardrock Gunter & the Pebbles "Gunter 'Roc Dur' et les Cailloux".
En 1949, Gunter écrivit une chanson intitulée Birmingham bounce ("Le rebond de Birmingham"). C'était un boogie à couper le
souffle, où le mot rockin' revenait souvent et qui fit sensation au niveau local. Au début de l'année 1950, il enregistra ce morceau
avec son groupe pour la firme Bama, petite maison de disques qui œuvrait à partir de la chambre 905 de l'hôtel Bankhead.
La chanson fut rapidement reprise par le chanteur de country Red Foley, chez Decca. Cette reprise entra dans le classement
country début mai et atteignit la première place avant la fin du mois, coiffant sur le poteau le dernier disque de Hank Williams,
Long gone lonesome blues ("Le blues de la longue absence"). La chanson de Gunter continua d'être reprise, non seulement
par des péquenauds efficaces tels que Tex Williams et Pee Wee King, mais aussi par des chanteurs noirs comme Amos Milburn
et Lionel Hampton. A la fin de l'été, Birmingham bounce était célèbre dans tout le pays. En un clin d'œil, les bran­ chés du Sud
avaient trouvé leur hymne.
Le deuxième disque de Hardrock Gunter pour Bama, sorti en juillet 1950, s'intitulait Gonna dance all night ("On va danser toute
la nuit"). Ce nouveau morceau était encore plus frénétique que le précédent. Du début à la fin, Gunter répétait inlassablement,
tantôt d'une voix traînante, tantôt en grognant : We're gonna rock 'n'roll ("On va se secouer et se balancer"). Cela ne se vendit ni
à Birmingham ni ailleurs. Le troisième et dernier disque de Gunter chez Bama, un jump bien cradingue intitulé Lonesome blues
("Le blues solitaire"), n'eut pas plus de succès que le précédent. (On pouvait entendre sur la face B une merveilleuse mise en
accusation de la musique de péquenauds: Dad gave my hog away, "Papa a donné mon cochon".) A partir de cette date, Gunter fit
des apparitions régulières dans le nouveau spectacle de Happy Wilson sur la chaîne de télévision WAFM.
Vers la fin de l'année 1953, Roc Dur Gunter enregistra avec ses Cailloux pour la firme Bullet à Nashville . My bucket's been fixed
("Mon seau a été réparé"), sorti en décembre 1950, il était la réponse de Gunter au tube de Hank Williams mis en vente l'année
précédente, My bucket's got a hole in it ("Mon seau est troué").
Gunter fut engagé par Decca début 1951. Boogie woogie on Saturday night ("Du boogie-woogie le samedi soir"), enregistré,
comme la plupart des disques country de Decca, au Tulanee Hotel de Nashville, fut mis sur le marché au mois de mars.
C'était un bon disque de rockabilly mais ce fut un échec commercial, tout comme le suivant, l've done gone hog wild
("J'ai pété les plombs"). Son troisième disque pour Decca, gravé pendant l'été 1951, dépassait en bizarrerie tout ce qu'il avait
enregistré précédemment : c'était une version country du Sixty-minute man ("L'homme de soixante minutes") des Dominoes,
un tube récent de rhytlun'n'blues narrant les exploits de Lovin' Dan - "Dan l'Amour" -, ce type dans le vent qui pouvait baiser
pendant une heure entière sans jamais rater son coup. Comme si cela ne suffisait pas, Gunter enregistra ce morceau en duo
avec Roberta Lee, une chanteuse au timbre de voix obscène. (Alors que chez Decca, Roberta Lee était une jeune dame de Dayton,
Ohio, présentée à la fin des années quarante, lorsqu'elle enregistrait pour la firme Tempo, comme "la Fille à la Voix Caverneuse".)
Decca continua de sortir les disques que Gunter enregistrait, mais ses jours dans cette firme étaient comptés.
En septembre 1951, à l'âge de trente-trois ans, le chanteur, craignant sans doute une invasion de son Alabama bien-aimé par les
troupes chinoises, s'engagea dans l'armée. Sur le chemin de la Corée, il n'alla pas plus loin que Fort Jackson (Caroline du Sud),
où il devint premier lieutenant dans le 167ème régiment d'infanterie.
En 1953, Gunter mit le cap au Nord et commença à travailler pour Jamboree ("Le grand rassemblement"), une émission de la
station de radio WWVA qui émettait depuis Wheeling (Virginie de l'Ouest) . Il enregistra chez MGM ce printemps-là. A la fin de
l'été, il était de retour à Birmingham pour y animer une émission quotidienne de quatre heures sur la station WJLD . En avril 1954,
toujours à Birmingham, Gunter grava une nouvelle version de Gonna dance all night et la céda à la firme Sun de Memphis.
Le disque sortit en mai et se vendit aussi misérablement que le premier enregistrement de la chanson, paru chez Bama quatre ans
auparavant. Quelques mois plus tard, Sun mettait sur le marché un disque de rockabilly plus accessible, enregistré par un jeune
homme nommé Elvis Presley.
Cette année-là, Gunter retourna à Wheeling sur WWVA. En 1954 et 1955, il fit des disques pour la firme King, qui ne se trouvait
pas trop loin de là, à Cincinnati. Son meilleur enregistrement de la période King fut un simple contenant deux rocks intitulés
I 'll give 'em rhythm ("J''vais leur en donner, du rythme"") et I put my britches on just like everybody else ("Je mets ma culotte
comme tout le monde"); mais le disque ne passa jamais sur les ondes.
Gunter céda un autre enregistrement à Sun au printemps 1956,Jukebox, help me find my baby ("Jukebox, aide-moi à retrouver"
ma chérie"), enregistré à Wheeling. C'était un mauvais disque, et pourtant il ne marcha pas.
Hardrock Gunter commença à décliner. Il avait quarante ans maintenant, et le rock'n'roll qu'il avait aidé à naître était passé à
côté de lui sans même lui faire un petit signe de tête. Il continua à enregistrer des disques, de mauvais disques, pour ses propres
firmes: Whoo! I mean whee! ("Ouh ! je veux dire ouah!") chez Emperor en 1957, Let me be a fool ("Laisse-moi être un imbécile")
chez Cross Country - "A travers champs" -en 1958, ou Is it too late ("Est-ce trop tard ?") chez Cullman en 1959; mais rien ne pouvait
plus enrayer le déclin.
Début 1962, il grava un disque pour Starday - "le Jour de l'Etoile". C'était une horreur, un truc vraiment monstrueux intitulé
Hillbilly twist ("Le twist du péquenaud"). Le Seigneur, qui avait beaucoup apprécié les disques de Hardrock Gunter dix ans
auparavant, couvrit aussitôt, dans sa miséricorde, Hillbilly twist d'un voile de ténèbres. Peu de temps après, Hardrock Gunter
quitta le Jamboree de WWVA et annonça qu'il partait prendre sa retraite à Golden (Colorado).
Dans les années soixante, il fit paraître un album intitulé Songs they censored in the hills ("Les chansons censurées là-bas sur
les collines"). En 1972 -il ne s'appelait plus alors que Rock Gunter -il fit un album comprenant une douzaine de chansons de
Hank Williams interprétées à la guitare. Puis on n'entendit plus parler de lui.
Quelque temps après la publication de ce livre, je reçus une lettre de Gunter, datée du 23 décembre 1992:
"Cher Nick,"
Félicitations pour le magnifique travail que vous avez effectué. Je voudrais vous remercier en toute sincérité et de tout cœur pour
m'avoir inclus dans votre livre. Je suis très flatté d'en faire partie ."
Il rectifia aimablement certaines inexactitudes dans mon récit de ses premières années, en ajoutant:
"Je ne vous demande pas d'intégrer ces corrections aux prochaines éditions de votre livre, car je trouve vraiment votre version
plus romantique ."
Néanmoins, ces modifications ont été apportées.
La lettre était tapée à la machine, sur papier à en-tête de la compagnie d'assurances Selected Executive Plans, Inc.
("Contrats de prévoyance choisis pour cadres supérieurs, S.A."). L'en-tête portait les noms de Rock Gunter, directeur, et de Sheila
Gunter, présidente. Voilà ce qu'il avait fait pendant toutes ces années : il avait prospéré dans le milieu des assurances.
Je reçus une autre lettre de lui en 1996:
"Je suis émerveillé de tout ce qui m'est arrivé depuis la dernière fois que je vous ai écrit ."
Il me disait qu'il avait fait un concert en Allemagne, à Munich, et qu'il envisageait de jouer dans un festival de rock'n'roll à
Hemsby (Angleterre) à l'automne. Il ajoutait :
"Pas mal, pour un gars qui a abandonné la musique depuis si longtemps et qui, de toute façon, n'avait jamais vraiment connu la
célébrité."
Il a continué à "rocker à sa façon" jusqu'en 2005.
Gunther est décédé le 15 Mars 2013 à Rio Rancho (Nouveau Mexique)
.
hg1.jpg
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.
Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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