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24-Les disparus " John BELUSHI "

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hencot
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24-Les disparus " John BELUSHI "

Message par hencot »

JOHN BELUSHI
L'autre Mister J.B.’s ou Le boogie des corbeaux

Le 2 avril 2004 fut apposée sur le Walk of Fame du Hollywood Boulevard une étoile au nom de John Belushi : rien d’étonnant à cela, sauf que l’intéressé était mort depuis... 22 ans, à l’âge de 33 ans : overdose par injection de cocaïne et d’héroïne dans le bungalow n° 3 de l’hôtel Château Marmont, à Sunset Strip. Un remède radical et le genre de cocktail qui vous explose la tête, vous remonte de l’avant-bras au sinus telle une mèche de dynamite, vous laisse sur le carreau comme un débutant. On dirait aujourd’hui de la bombe, on appelait alors ça de la pure, en langage courant « speedball ». Le minimum pour un des artistes les plus énergiques, électriques de la scène US, qui ne connaissait pas plus le mot « pause » que celui de « débrancher », à son dictionnaire privé.
Ce jour-là, l’homme-orchestre des « Blues Brothers », le « petit gros » du duo face au grand Dan Aykroyd, avait pété les plombs, dépassé les doses, franchi la ligne, mais l’affaire, si l’on peut dire, lui pendait au nez depuis longtemps : dix ans qu’il sniffait à tout-va et se piquait d’autant, depuis l’époque où il avait rejoint une troupe de Chicago – sa ville natale – nommée « The second city », et était entré dans le show-business par tous ses pores, puisqu’il était fait pour ça comme certains gosses naissent pour être barman ou jockey. Lui, c’était entertainer, showman etc. Performer, tendance J.B’s, Whisky A Go Go and Co. Le type qui monte sur scène à l’âge des culottes courtes et n’en descend plus que les pieds devant. D’origine albanaise, ce garçon jovial et trapu à l’humeur fantasque et au look d’oiseau de nuit adorait le théâtre, la soul, le football et Lucille Ball, dans le désordre, avait le rythme et le blues, qu’on n’appelait pas alors R&B, dans le sang, et chauffait encore plus off que on, avec sa tenue de croque-mort live et ses gags à froid. Une vedette dans la vie, un sacré numéro, pas forcément gagnant, un joyeux luron épris de la fête qui ne se faisait pas prier pour faire le bœuf, avec ses airs de corbeau speed et ses costards trois-pièces, ses blagues à dix cents et sa folie furieuse des sixties, juke-box fébriles et transistors à singles.
C'est par la télé qu’il était arrivé au cinéma : le « Lemming Show », et surtout le « Saturday Night Live » qui l’avait consacré avec son partenaire et révélé à Jack Nicholson, Steven Spielberg, John Landis, qui lui offrirent ses trois premiers et derniers films. Car son véritable succès, il le rencontra avec son éphémère tandem, Joliet Jake et Elwood Blues (du nom de deux villes de l’Illinois), alias les Blues Brothers, une fine équipe créée pour chauffer le public du légendaire show NBC, qui se produisit d’abord sur scène, puis en vinyle et sur pellicule, donnant bientôt la danse de Saint-Guy à trois générations d’Américains sur les inusables pieds de l’octosyllabe : « Everybody/loves/somebody (bis) ». Dès l’intro, ils annonçaient d’ailleurs la couleur avec Soul Man, I Can’t Turn You Loose, Gimme Some Lovin’, Jailhouse Rock et tout le tremblement, que du bronze, qu’ils swinguaient autant qu’ils chantaient, sautant en cadence comme sur les touches d’un piano fou. Si leur répertoire était essentiellement composé de reprises de standards Stax, du Wilson Pickett, Otis Redding et Sam and Dave, déclinés à deux voix sur une vigoureuse section de cuivres, façon Booker T. and the M.G.’s (leur guitariste Steve Cropper était d’ailleurs de la partie), il ne les empêchait pas de faire royalement les clowns en jouant sur leur différence de taille, leur look VIP, leur humour cool qu’on disait alors déjanté. Des Pieds Nickelés de la dance, qui avaient débuté en tenue... d’abeilles sur I’m A King Bee, du bluesman Slim Harpo ! Après ça on pouvait tout se permettre !
Car John Belushi ne pouvait et ne voulait surtout pas passer inaperçu : il avait le feu, la fringale, toujours « on fire », vingt-quatre heures sur vingt-quatre : le genre de type qui ne comprend même pas comment le sommeil peut exister, puisque c’est du temps de vie décompté, du sexe, de la drogue et du rock’n’roll en moins. Comment peut-on dormir la nuit alors que le jour y est encore meilleur, la vie amplifiée par dix, cent, mille watts, le whisky si propice et les filles si accueillantes? Comment peut-on s’allonger entre deux draps pour faire autre chose que du boogie, à l’heure où les boîtes sont ouvertes, les femmes allumées et les micros branchés?
Et puis il y avait eu en 1980 « le » film, qui marqua à la fois leur générique début et fin comme le bouquet multicolore d’un feu d’artifice, avec un casting impressionnant : deux heures et quart de délire, façon Marx Brothers à Indianapolis, Helzaboppin’the blues ou Abbott and Costello meet the Godfather, vs the Genius, où James Brown, Ray Charles, Aretha Frankin, John Lee Hooker, et même Cab Calloway venaient prêter main forte à nos hommes en Ray-Ban, les « Frères Blues » du titre, gangsters partis sauver en Dodge l’orphelinat religieux de leur enfance, sur fond de standards, jurons, casse et parodie de polar. C'était, d’une certaine façon, le plus long sketch qu’ils aient jamais joué, une gigantesque entreprise de démolition – soixante voitures de police détruites ! – dont ils ne sortiraient eux-mêmes pas entiers. Et tout le monde s’en donnait à cœur joie, Spielberg passait dans le champ, Ray tirait les yeux fermés, et John Landis affûtait sa caméra pour une longue série de loups-garous à venir, dont Michael Jackson in person. Une tournée homérique avait suivi, qui ne s’achevait pas avec eux à la chute du rideau, mais des protagonistes, et dont John fut, à son habitude, la victime désignée, le dernier debout et le premier tombé. Sa mère le lui avait toujours dit : il ne savait pas s’arrêter.
Ce jeudi 4 mars 1982, il entama donc avec deux comparses, une chanteuse du Band et un écrivain scénariste, une de ces folles équipées qu’il prisait et ponctuait d’autant d’alcool que de cocaïne, écumant tout le west Hollywood à la recherche d’une fête où s’éclater, où célébrer le présent si éphémère, cueillir le jour à pleines dents. Ils firent ainsi le night-club du Roxy, puis le Rainbow voisin, et auraient bien poursuivi ad lib leur rue de la soif si John n’avait pas voulu rentrer à son hôtel, le fameux Château Marmont. Là, il demanda à sa compagne de lui administrer une piqûre à base de différentes substances que la morale et la médecine ne mélangent pas, et commença à planer dans la nuit, voyant passer comme dans un délire Robin Williams et Robert de Niro en personne qui, occupant des chambres voisines, vinrent à tour de rôle prendre des nouvelles et veiller au grain, même s’ils n’étaient pas eux-mêmes très frais. « Je monte avec la coke et je descends avec Jack Daniel’s », confiait dans ces années-là le premier des deux. Devant l’état avancé des protagonistes, partis pour un trip sévère, ils s’éclipsèrent, et le couple continua de se défoncer de plus belle, jusqu’au départ de la femme, qui coucha Belushi avant de partir, comme le gros bébé qu’il n’avait jamais cessé d’être et qui avait pour une fois sommeil : mille et une nuits à rattraper. Le lendemain, on le retrouva étouffé dans le lit, recroquevillé comme il se doit en position fœtale, un oreiller sur la tête et les draps sens dessus dessous. Il s’était asphyxié dans son délire, noyé dans un rêve, parti pendant une crise où le blues avait pris le dessus. Il était allé trop loin, dans un trip inconnu où il devait se prendre pour l’autre J.B.’s, le petit neveu de James et Otis né, comme il se doit, de la cuisse de l’Apollo : amen. Et cela faisait bizarre de ne plus le voir remuer, fût-ce une paupière ou un orteil.
A l’enterrement de John, Dan Aykroyd ouvrit en moto le chemin du cortège funéraire jusqu’au cimetière, et le chanteur James Taylor qui avait été lui-même un sacré junkie, lui rendit un dernier hommage sous la neige à travers une de ses chansons, That Lonesome Road. Deux jours plus tard, on donna une messe anniversaire à son intention à New York, où, comme il le lui avait promis, Dan diffusa dans la Cathédrale de Saint John Divine un morceau instrumental des Ventures, avec riff en hifi et pont de Fender Stratocaster : « 2 000-Pound Bee », autant dire de la bonne. Le gimmick électrique aurait réveillé un mort. Alors, dans la nef au silence sépulcral, chacun se mit à battre du pied et sourire aux anges : l’homme aux lunettes noires et au feutre de VRP n’était pas loin, et encore moins défunt. Il s’était juste envoyé en l’air dans cette foutue crypte, et lorgnait de derrière la verrière les premières communiantes en mâchant son chewing-gum et recrachant Hollywood à dix pieds, comme dans son enfance en Illinois, à courir derrière un ballon autour du restaurant paternel. Dans le métier, la vie était un job à plein temps à cette époque-là, et les candidats se pressaient au portillon, avec des CV dignes d’un Pulitzer.
Et son frère James, qui n’était pas moins fou et tout autant acteur que compositeur, mais qui se maîtrisait mieux, perpétua le nom et le regard, continua de porter haut à l’écran les initiales les plus sulfureuses de la scène US des eighties.
Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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