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4-Les disparus du Rock "Freddie Mercury"

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hencot
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4-Les disparus du Rock "Freddie Mercury"

Message par hencot »

FREDDIE MERCURY
L'autre Reine d’Angleterre ou Le chat qui rêvait d’être un léopard

Quand on est né à Zanzibar, qu’on a grandi à Bombay, qu’on a trois octaves et demie à sa voix, des doigts enchantés et qu’on s’appelle Farrokh Pluto Bulsara, descendant de fonctionnaires britanniques dans les années 40, on est déjà par définition un personnage de roman, une sorte de petit fils moderne de Kipling et de Somerset Maugham; et il n’en aurait pas fallu beaucoup à une époque pour qu’on finisse dans les lanciers ou le trafic de chanvre, prisonnier de Zenda ou même fils de la jungle. En tout cas dans les rangs de sa Gracieuse Majesté, avec le casque ou la tunique de Franchot Tone, si vous vous souvenez. N’est pas Tanzanien de confession zoroastrienne qui veut !
Et quand en prime, on veut faire du rock, qu’on a le sens du look, l’oreille musicale et un bon coup de pinceau, et qu’on se surnomme Freddie, on devient un jour Freddie Mercury, en référence au dieu du commerce Mercure, et la plus grande icône de la culture pop gay des années 80. Et, hélas, on en meurt un matin, bêtement mais fièrement, à 45 ans et au terme d’une agonie secrète, en laissant derrière soi des tas de souvenirs, de frissons, de standards qui font encore vibrer près de 20 ans plus tard les coulisses de Wembley, de Hyde Park ou du Rainbow Theatre, constituent les best of de notre mémoire.
Car non content d’être un virtuose, tour à tour pianiste, guitariste, compositeur, ténor lyrique et designer, le leader de Queen était un athlète, un artiste capable de tous les records, de ventes comme d’entrées un homme-orchestre à même non seulement de créer, mais aussi de se créer, qui adorait à la fois Jimi Hendrix, John Lennon, Liza Minnelli et... les chats, fumait, embrassait et mordait la vie à pleines dents. Un démiurge à sa façon qui n’avait en scène rien à envier à Jagger, avait en studio la folie des grandeurs et en public les moyens de ses ambitions, vivait au superlatif et voyait loin et grand, même s’il n’avait pas prévu la fin du film : on ne saurait penser à tout.
C'était le temps des groupes, l’époque où Mick croisa Keith, où John débuta son ping-pong musical avec Paul, où Pete rencontra Roger et l’autre Keith – les initiés traduiront – : où la pop anglaise vit le jour et commença d’envahir le monde par les grandes ondes, les « fringues fashion » et le design psychédélique, les boots et les bandanas. Le temps des mods et des pops, du hype et de Mary Quant, de King’s Road et de Carnaby Street. Des Bikers et des Teddy Boys, de la coupe au bol et de la fin des cols, des cheveux multicolores et des pupilles dilatées, de Ruby Tuesday et Lady Madonna. On disait alors « British invasion » pour désigner cette vague énervée, mêlée de High School et de caves « in », qui submergerait jusqu’aux bases américaines et balaierait tout sur son passage, sauf Dylan, qui avait Dieu à ses côtés. Freddie-Farrokh, ou si l’on préfère Farroukh, était arrivé à Londres par le train suivant, en décembre 63, avait tenu lui-même une boutique de vêtements, et rencontra dans la foulée, du côté des Beaux-Arts, ceux qui deviendraient ses Richards et Townshend à lui : le guitariste Brian May et le batteur Roger Taylor, qui faisaient leurs armes dans un de ces groupes interchangeables, souvent baptisés d’une seule syllabe pour imprégner les mémoires : « Smile ». On n’aurait pu faire plus court, même si le nom ne suscitait pas l’effet escompté. Le premier, qui jouait sur une « Red Special » fabriquée par son père et allait faire le lever de rideau de Jimi Hendrix en 1967, avait gagné ses étoiles par des études de physique et d’astronomie, et en était alors à sa troisième formation, jouissant d’un prestige certain. Le second tapait sur ses caisses claires et cymbales depuis cinq groupes, marchait sur les traces des Who, Led Zep et autre Jimi Hendrix. Le tout s’engageait de pied ferme dans un rock progressif et vaguement psychédélique qui cherchait sa voie, c’est-à-dire sa voix, cependant que Farroukh, qui n’était pas encore Fred, rongeait son frein en coulisses, guettait son avenir entre les plis du rideau. Chassait sa chance avec déjà un sourire de loup, en l’occurrence la place près du micro.
Et il y mettrait le temps : pas moins de quatre ans à jouer les utilités, les hommes à tout faire et les messieurs bons offices, avant de devenir le roi des Reines, une sorte de « King » new wave. Dur de ne pas avoir l’air quand on a la chanson : il « savait » déjà, mais devait laisser faire le hasard, pour que tout ait l’air naturel, et que l’idée vînt des autres, qu’on fît enfin appel à lui pour les bonnes raisons. Et les autres tâtonnaient, piétinaient pendant qu’il piaffait, pressentait, inventait : toute sa vie, il avait été en avance, aux courses et aux cours, aux rendez-vous et aux auditions, il s’était battu contre les montres et avait voulu être le premier. Il avait aimé la sensation qu’on éprouve à arriver avant tout le monde, se retourner et voir le peloton progresser lentement, laborieusement, il traquait le frisson de la première minute. Il avait su ce qui allait arriver, et même parfois quand, sauf au dernier tour. Et cette fois-là, il avait tout vu d’un coup, le cheval dans le marbre, et le groupe dans le trio. Il les avait reconnus, comme on se fait une famille de métier, avait choisi Brian et Roger d’un regard. Il les avait envisagés. C'était en fait le chanteur du groupe qui les lui avait présentés, en toute candeur, et Freddie dut donc attendre quatre ans que ce dernier quitte la formation pour le remplacer enfin, pour ravaler le Sourire des Smile et donner au combo sa vraie voix, son style et même son sigle : accoucher en avril 70 des Queen, autant dire les « reines des folles », qui faillirent bien s’appeler The Rich Kids. Mais on ne brûlait pas les étapes, et l’argent avait bien moins d’odeur que les choses du sexe. Ils seraient donc sacralisés, presque un blasphème en cette bonne terre d’Angleterre.
Et sitôt un bassiste trouvé, nommé John Deacon, ils se mirent en route pour la gloire, qui leur arriva cinq ans plus tard, au quatrième album. Cela s’appelait Une nuit à l’opéra, en référence aux Marx Brothers, tout comme le suivant s’intitulerait Un jour aux courses, et c’était le disque de tous les records : album le plus cher jamais produit, avec un titre phare de 6 minutes, Bohemian Rhapsody, qui avait demandé trois semaines de travail en studio, et demeura n° 1 pendant 9 semaines, devenant le troisième single britannique le plus vendu de tous les temps, triple disque de platine aux Etats-Unis. L'œuvre, ambitieuse et démesurée, s’inscrivait dans la veine de ces chansons fleuve – Eloïse, MacArthur Park – qui avaient préfiguré les seventies.
Et ainsi de suite avec le second single, You’re My Best Friend : ils avaient décroché le jackpot. Le succès en était si grand qu’il éclipsa même le suivant, Somebody To Love, classé numéro deux au Royaume-Uni, et leur valut un concert triomphal à Hyde Park, devant... 150 000 personnes ! Une entrée royale pour des sujets de Sa Majesté, transformée par le disque suivant qui contenait à la fois We Are The Champions et We Will Rock You, en 1976. Et encore Fat-Bottomed Girls et Bicycle Race en 1978, Crazy Little Thing Called Love et Another One Bites The Dust sur l’album Games en 1980, quatre fois disque de platine aux USA et n° 1 des ventes pendant quatre semaines, etc. Rien ne pouvait plus les arrêter, ils écrivaient à chaque titre leur Disque des Records, et il fallait désormais rien moins que des stades pour les contenir, les accueillir, de Rio à São Paulo. Ils traversèrent l’Amérique latine comme les champions qu’ils étaient devenus, dévorés live par des millions d’yeux, et battirent même leur propre record une certaine nuit de janvier 1985, où ils affrontèrent à deux heures du matin 325 000 spectateurs à Rio – on disait ici cariocas – dans un délire indescriptible, supérieur à tous les carnavals et fêtes du Sambodrome. Une ville entière tanguant en transes à leurs pieds, 700 favelas en nage, scintillant et dansant dans l’hiver tropical comme ces vagues de Copacabana ou d’Ipanema qui viennent vous lécher la main à minuit, sous l’œil du Corcovado voisin et de la baie de Guanabara. L'apocalypse à domicile et le paradis sur terre, et l’une des nuits les plus chaudes qu’ils aient jamais vues, où ils avaient chanté jusqu’à voir le soleil se lever, et remirent ça dans les mêmes conditions huit jours après : sold out. Seuls, Jagger et Bono battraient vingt ans plus tard le fameux record avec leurs groupes respectifs, mais ils s’étaient mis à deux pour y arriver, pour détrôner les rois...
Et puis ils rentrèrent en studio pour de nouveaux tubes, et pas des moindres : Under Pressure, avec David Bowie, Radio Ga Ga, I Want To Break Free, Hammer To Fall, Tear It Up, I Want It All, A Kind Of Magic. On ne se refusait rien, et Freddie trouvait toujours aussi délectable de repousser ses limites, de viser chaque fois un peu plus haut, lorgnant d’un œil cette vieille Elton qui continuait de s’accrocher aux branches du Top et de l’autre les fantômes de Cliff, Rod et Tom Jones qui avaient rendu les armes, passé la main depuis longtemps pour ce qui était du feeling. Les temps avaient changé, même les Clash et les Sex Pistols étaient morts ou rangés, et à 40 ans passés, il était désormais un survivant qui faisait la pige à Morrissey et regardait pousser les Bono, Le Bon et autres – autrement dit la génération Cure, U2, Duran Duran et Depeche Mode – avec curiosité, mais toujours la niaque des premiers temps.
Il y avait désormais tant de Talk Talk, Talking Heads, Bronski Beat, Thomson Twins et autres Frankie Goes To Hollywood au compteur, de Spandau Ballet, Kajagoogoo, Eurythmics, Stranglers et Simply Red au Top qu’il finissait par s’y perdre lui-même, se mélanger les groupes. Les places étaient chères par ici, bien que son créneau fût à peu près unique, si l’on exceptait bien sûr Gary Glitter et les autres rockers glamoureux, et il ne boxait pas dans la même catégorie, pour demeurer dans la métaphore sportive, ou alors... avec Madonna ! Le seul qui eût pu lui faire lever une paupière était ce Klaus Nomi qui avait pris prématurément la poudre d’escampette, en leur laissant Nina Hagen, et il salivait déjà d’avance à l’idée de ses duos explosifs avec la cantatrice Montserrat Caballé, qui allait enregistrer avec lui un album entier de sa composition, dont le superbe Barcelona, pressenti plus tard pour illustrer les jeux Olympiques de 1992. Leur première rencontre s’était passée à l’hôtel Ritz de cette ville et avait fait des étincelles : la plus diva n’était pas celle qu’on croit.
On était en 1987, et Freddie, qui atteignait la quarantaine et venait de publier son premier album solo, Mr Bad Guy, avec une reprise de The Great Pretender, n’avait plus rien à prouver, sinon justement qu’il avait encore quelque chose à dire, et quelques bons disques devant lui, à l’instar de ses deux partenaires principaux qui avaient également pris goût à la liberté. Depuis le début des années 80, Queen était devenu une marque, un navire amiral, dont même Coca-Cola adopta plus tard le thème de I Want To Break Free pour sa publicité, et chaque titre, chaque album mettait la barre un peu plus haut, avec des titres qui, symboliquement, commençaient souvent à la première personne, disaient tout ce qu’il voulait, et notamment qu’il voulait tout : c’était un homme d’appétits, qui pouvait tourner des jours autour d’une chanson, d’un cœur à prendre ou d’un plan à faire. Qui ne lâchait jamais prise, avait toujours une case d’avance, une idée derrière la tête, qu’on pouvait lire dans ses sourires. Et qui vit arriver sa fin pendant cinq ans, cinq longues et brèves années de doute et de frénésie, celui-ci alimentant celle-là, de lampe et de studio, puisqu’il s’interdisait dorénavant de faire de la scène.
C'est en effet en 1987, au sortir de l’album avec sa cantatrice, que cette haute figure gay, qui s’accoutrait dans ses clips de perruques, de jarretelles et de talons hauts, s’habillait en femme, en chat ou en léopard lorsqu’il se produisait, qui avouait « avoir eu sa première expérience à 15 ans » et « plus d’amants qu’Elizabeth Taylor », découvrit sa séropositivité. Il avait aussitôt appelé son ami Jim, en visite chez ses parents en Irlande, et ce dernier était rentré tout de suite à Garden Lodge, leur principale demeure londonienne avec celle de Montreux.
Là, Fred lui montra sur son épaule gauche la trace du prélèvement test qui avait été effectué et avait tout déclenché : quelques centimètres à peine de cicatrice, et un diagnostic aux allures de verdict : séropositif. Le mot le plus redouté dans le cercle à ce moment-là. Dès lors, il fit tout ce qu’il fallait pour se soigner, s’en sortir, mais ne voulut plus jamais en entendre parler, et encore moins en parler, changeant même de chaîne quand le sujet venait sur le tapis à la télé. Trop brûlant, trop dur, trop lourd à porter. Pas pour lui. C'est à la même époque qu’un de ses anciens proches, Paul Prenter, fit étalage de leur vie privée dans la presse à scandale, en l’occurrence le redoutable Sun. Il avait horreur de ça, et se referma davantage, c’est-à-dire qu’il en fit encore plus que d’habitude, et se méfia dorénavant de ses amis, en plus de ses ennemis, dans un métier où la nature des relations se confondait aisément, où la confiance se payait souvent d’une manière ou d’une autre.
Et il n’en continua pas moins de faire la fête, célébrant cette année-là son 41e anniversaire à Ibiza avec une centaine d’invités amenés en DC9, un gâteau de 6 mètres de haut porté à l’antique, un feu d’artifice à son nom dans le ciel des Baléares et autres danseurs de flamenco. Du pur Mercury, jouant les Cléopâtre entre deux séances à Barcelone, et toujours cette manière insolente de défier les dieux rien qu’en les toisant : ils ne le lui pardonneraient pas. L'homme savait en effet vivre, recevoir, et séduire, de ce sourire conquérant, quasi carnassier, qui éclairait et dévorait les unes, les pochettes et les T-shirts, tenait à la fois du tigre bengali de son pays natal, du caïman noir et du python royal; et il allait devoir apprendre à mourir en pleine maturité, au sommet de son art et au meilleur de sa forme, à un âge où, par définition, on ne meurt pas. En beauté, et même en chantant. Ce qu’il mit longtemps à accepter, parce que c’était purement inacceptable. Exactement comme ces jeunes gens qu’on réveille au matin de leur dernière heure, pendant la guerre, et qui doivent y aller, stupidement, alors qu’ils viennent à peine de naître et ont toute une vie à connaître.
Lui qui avait toujours soigné, entretenu son corps et cultivé une forme quasi olympique, malgré son abus du tabac et de l’alcool, se voyait maintenant diminuer, faiblir et devait progressivement économiser ses efforts, ménager sa voix, se reposer. Il lui fallait surveiller son alimentation, son sommeil, son pouls, son rythme de vie, sa sexualité même et jusqu’à son image, avec ce visage qui se creusait et ces larges plaques rouges qui apparaissaient du jour au lendemain sur son corps, au dos de sa main, sur sa joue gauche, comme un vieillissement accéléré, une chute dans le temps. On appelait ça le sarcome de Kaposi, et cela se traitait par laser, mais laissa des taches blanches qu’il fallut alors maquiller : on n’en sortait pas. Il avait beau tout faire pour cacher ses symptômes d’un côté, ils réapparaissaient de l’autre, et ajoutaient le stress de l’artiste aux soucis de l’homme, lui faisaient perdre ses moyens et dépenser des trésors d’énergie pour continuer sa vie normale, qui était en outre publique.
Le pire était qu’il maigrissait à vue d’œil, et ne pouvait dissimuler cela à personne, à commencer par lui-même. Le virus cheminait, sévissait manifestement en lui, et il redoutait par-dessus tout une quarantaine – le traître mot – qui était alors de mise dans ce type de situation, à une époque où l’idée même de cette maladie terrifiait autant que la peste : il se souvenait de la fin récente de Rock Hudson, et préférait partir, sortir « avant », mais où cela commençait-il, quand franchissait-on la ligne? Quand était-il trop tard, encore temps? Ressemblait-il déjà à l’acteur? Pour qui incarnait la superbe et l’extraversion, avec une sorte de théâtralité permanente, d’excentricité radieuse, surjouait au quotidien sans que cela sonnât jamais faux et témoignait d’autant de maestria à la ville qu’à la scène, il avait soudain acquis une gravité, une sérénité tout orientale qui en disait long sur son désarroi profond, celui qu’on ne peut partager parce qu’il dépasse les mots.
Il fixait, contemplait déjà sa fin prochaine, écrite sur ses traits comme une guest star, gravée dans chaque nouveau pli de son menton ou de son front, avec autant de fascination que de répulsion. Il guettait, reconnaissait parfois la mort telle une image subliminale en se regardant dans la glace, avant une télé ou un clip, la devinait embusquée sous un sourire ou derrière un silence, et se surprenait à la farder, la cerner comme une seconde peau. A surligner ses traits jusqu’à la voir danser sous le masque, à la faire parler et s’écouter lui répondre, de si loin déjà, comme à une vieille connaissance : ne l’avait-elle pas accompagné dès la naissance, parfois interpellé et si souvent frôlé, en voyage ou en trip, dans les virages de ses biographies non autorisées ? A la mettre à l’affiche, puisqu’elle jouait désormais ses covedettes à chaque sortie, lui collait aux basques et surgissait jusqu’à ce lit, où elle s’était un jour glissée, infiltrée subrepticement : une contrebandière. A composer avec elle, la semer ou la dérouter, sans jamais pouvoir l’effacer du miroir : elle était de celles qu’on n’oublie pas, qu’on garde au fond des yeux. A se réfugier le ventre noué en studio, en se répétant que tout cela n’était qu’un rêve, et à retrouver soudain l’autre dans une vitrine, dans un ascenseur, avec ce regard hagard qu’il était le seul à voir, mais percevait tout le temps au fond de lui-même, et que les compliments trop appuyés des autres ne faisaient qu’exacerber : il savait qu’elle était là, comme la bête cachée dans le dessin du tapis. A l’écrire pour l’exorciser, l’évacuer, la tenir en respect. A l’embrasser enfin sur les lèvres, après l’avoir fuie des journées entières, et s’endormir auprès d’elle comme un enfant contre sa mère, le petit Farrokh au temps des Bulsara, de Bombay la douce, quand il gagnait les concours du plus beau bébé indien. Quand il attendait que sa petite sœur Kashmira, lovée contre lui, s’envole en dormant pour s’assoupir lui-même, la rejoindre à son tour, et qu’il n’avait pas de rêve assez grand pour y faire entrer tous ses projets d’avenir. A l’assumer comme une partie ultime de sa vie, juste un peu plus indigeste et définitive que les autres. Pendant cinq ans, heure par heure et seconde après seconde, il avait appris à mourir, avait préparé, répété pas à pas la sortie la plus difficile de sa carrière, et l’heure était maintenant venue de la dernière chanson, l’éternelle « naked song » du tour qui vous dit au revoir et vous renvoie à votre destin avec une étoile en tête.
C'est surtout dans les années 90 que tout s’accéléra, se dégrada. Que le sol lui échappa et qu’il sut de manière certaine que c’était là, pour de vrai et pour bientôt. Qu’il la sentit pour de bon auprès de lui, tapie dans la pénombre et même dans son ombre à toute heure du jour, qu’il la reconnut définitivement dans son reflet, son regard, où qu’il allât, et se mit à ne plus lui prêter attention, à faire avec. Qu’il prit son parti du mot fin, et commença à dire qu’il connaissait sans doute l’année de sa mort, privilège rare et fantasme de beaucoup, qui l’avait longtemps taraudé à l’adolescence : Fred, 1946-19... ? Qu’il se vit mourir vraiment.
Même s’il n’imaginait pas que l’échéance fût si proche, s’il n’envisageait même pas qu’elle pût être réelle, à ces moments de la journée où il retrouvait son énergie tout entière, reparlait au futur sans buter sur les mots et projetait des disques comme on prend rendez-vous, il avait commencé à s’y préparer : il avait tant à faire en si peu de temps, tout à rattraper et à régler, à achever. Des milliers d’images, de mots et de notes qu’il gardait par-devers lui, des albums entiers qu’il contenait et qui se pressaient à ses lèvres, à ses doigts, avec toujours la même exigence, rigueur professionnelle : quasiment sa marque de fabrique. Toutes ces nuits à tourner autour d’un mot ou d’un son, à chasser la note comme un snark, à fouiller le nirvana des chansons, où il avait acquis une sorte de concession à perpétuité, désormais dérisoire, et à se demander soudain ce qu’il fichait là à trois heures du matin au milieu de ses châteaux de cire, ses murs de son et tours d’ivoire. Ses bains tièdes et parfumés comme des antichambres du paradis.
Et il s’était donné des lignes de conduite : Penser à tout. Rappeler ceux qui le méritent. Faire les choses sur le moment. Ne pas perdre une minute. Eviter les importuns. Ne pas gaspiller d’énergie. Ne pas s’énerver. Ne plus parler pour ne rien dire. Diminuer le nombre d’autographes, d’interviews. Compter ses vrais amis. Parler à son chat, Delilah, qui le regretterait peut-être plus que tout autre. Economiser jusqu’à sa salive, désormais si sulfureuse. Ne pas remettre à demain. Ne pas promettre, Ne pas..., etc. Il s’était mis à faire son testament privé et public, qui tiendrait chez lui en deux derniers albums, pour la route.
Le premier, en 1989, s’intitulait The Miracle, avec le titre, Was It All Worth It (« What is there left for me to do in this life/Did I achieve what I had set in my sights/Am I a happy man or is this sinking sand/Was it all worth it was it all worth it »). Lui qui avait tant biaisé, tourné autour des mots, les affrontait aujourd’hui de face, et y gagnait en force. Il disait les choses, et cela l’apaisait, lui donnait le sentiment de l’instant, sans avant ni après. De sa petite éternité. Le disque avait pris tout le monde de plein fouet et encore plus soudé son public autour d’eux. Et il lui semblait que jamais les autres, Brian et Roger, n’avaient été aussi inspirés, puisqu’à leur façon, ils vivaient également sa mort, changeaient de comportement, lui reflétaient une situation qu’aucun groupe au monde n’avait connue jusque-là : la perte du lead singer et compositeur en direct, en live, et désormais dans le texte, puisqu’il allait chanter sa propre fin, mettre en scène sa sortie : partir en professionnel.
C'était là tout le pari, plus démesuré que jamais, du second enregistrement, dont il savait pertinemment que c’était le dernier et dont il se demandait qui aurait le dernier mot, tant le combat avec la musique était devenu inégal, et le poids des lyrics écrasant. Allez donc chanter votre propre mort en studio à 45 ans ! Personne n’avait jamais fait ça autour de lui, et cette idée le ravissait : il aimait sortir de l’ordinaire, fût-ce par l’issue de secours, et même en tirant le rideau, il allait innover, bluffer son auditoire ! Il fallait en avoir pour oser une chose pareille, et il aimait cette idée que le sexe ne servait pas qu’à mourir, que sa mort elle-même engendrait une création!
Une seule chose le hantait littéralement : qu’il ait le temps d’aller jusqu’au bout, au dernier souffle et à la dernière prise, toujours multiple dans son cas, à la dernière note du dernier couplet; après, il pouvait bien mourir s’il le fallait, il aurait gravi, gravé sa montagne et ne serait plus très loin de ce fameux paradis! Du coup l’effort à fournir était encore plus grand, et sa capacité de résistance quasiment nulle : un enfant de 12 ans. Par précaution, il avait laissé plein d’instructions à ses camarades, précises comme du Selznick, pour leur dire quoi faire en cas de.... comment continuer et parachever sa tâche, arranger ceci et mixer cela si jamais les choses tournaient mal : il ne voulait même pas prononcer le mot tabou, par superstition. Durant ces trois mois de séances, qui alternaient avec d’autres plus cruelles, dans une étrange course au finish, la mort n’était pas de mise, pas invitée. Et il avait plongé dans leur treizième album studio, un vrai symbole et le disque de sa mort, sinon de sa vie, comme on se met à nu pour 53 minutes 48 de vérité. Il s’y était donné à cœur perdu, coup pour coup, avec ce corps désormais boursouflé, décharné, marqué d’ecchymoses, vieilli avant l’âge, qui ne lui ressemblait plus, ne lui répondait plus qu’à moitié et encore sans prévenir, l’agressait chaque jour un peu plus dans sa glace... Cette voix inconnue qui lui paraissait venir, revenir de nulle part et qu’il s’acharnait à pousser, réveiller, arracher au risque de la casser, cette mémoire qui le lâchait une fois sur deux et n’en faisait plus qu’à sa tête, cette p... de vie qui dansait entre ses doigts à la manière d’une flamme de fan, et qui jouait d’ailleurs les fans capricieuses et volages, ne disait plus ni oui, ni non, juste peut-être. C'était un vrai combat, avec ses rounds et ses pauses, ses feintes et ses coups bas, et le challenger n’était pas réglo, attaquait de partout, et cognait au-dessous de la ceinture. Un vrai vicieux qui vous prenait par les sentiments et vous tordait ensuite les couilles comme au catch, qui en avait entourloupé plus d’un ces jours-ci dans la profession. Une saleté. Mais il voulait ce disque, l’attendait et le portait comme un enfant, ne pouvait s’éteindre sans s’en libérer d’abord : son pacte à lui avec Faust et son représentant sur terre, monsieur Parlophone, ancien label des Beatles. Il voulait ces chansons qui disaient l’éphémère, le prix des choses et la valse des sentiments. Qui retrouvaient la fibre de leurs débuts, avec l’expérience, la vie en plus : I’m Going Slightly Mad, Don’t Try So Hard, Ride The Wild Wind, All God’s People, Bijou, ou encore These Are The Days Of Our Lives.
L'album qui s’appelait Innuendo et dont le titre éponyme avait demandé une centaine de prises différentes, se terminait par sa toute dernière œuvre, intitulée comme il se doit The Show Must Go On. Une pièce d’autant plus bouleversante qu’il répétait : « I have to find the will to carry on » (« Je dois trouver la volonté de continuer »), tombait désormais le masque face à l’inconnu et se confiait littéralement à l’auditeur : « Le spectacle doit continuer/A l’intérieur mon cœur est en train de se briser/Mon maquillage est peut-être en train de s’écailler/Mais mon sourire reste encore/Quoi qu’il arrive je laisse tout ça à la chance/Est-ce que quelqu’un sait pour quoi nous vivons ?/... C'est bientôt la fin pour moi/Dehors l’aube commence à poindre/Mais à l’intérieur dans le noir je me languis d’être libre... ». Et d’insister, au cas où l’on n’aurait pas compris, entendu battre son cœur sous les mots : « Le spectacle doit continuer/J’y ferai face avec une grimace/Je n’abandonne jamais/Le spectacle doit continuer/Je tiendrai l’affiche/Même si ça doit me tuer/Je dois trouver la volonté de continuer/Le spectacle doit continuer ». On ne saurait mieux dire, joindre l’art à la vie, passer de la carrière au destin. Tracer son Rosebud dans la neige.
Contre toute attente, c’était un de leurs meilleurs disques, car, par-delà son thème sous-jacent, il revenait tout naturellement aux sources, à l’opéra et au hard, après leurs dérives punk et disco, réhabilitait définitivement les guitares et reléguait les synthés à leur place, en fond sonore. Ils redevenaient les Reines, avec une mélancolie et une émotion qui transfigurait sa voix affaiblie, incertaine, et des invités de marque comme Steve Howe, de Yes, qui y apportait son rayon de flamenco comme un écho du paradis : Freddie avait l’âme latine. Et il l’avait enregistré à bout de force, de voix, de tout, et avec l’énergie de ce désespoir qui l’habitait désormais et lui donnait encore des ailes, de temps en temps, des airs de celui qu’il avait été, même s’il avait parfois l’impression d’être son propre père sur les photos et d’en avoir en outre la voix.
Le disque parut le 9 février 1991 et il partit le 24 novembre, vingt-quatre heures après avoir enfin reconnu officiellement qu’il était atteint du virus du sida, et vu son œuvre s’envoler plus que jamais dans les charts, le précéder au paradis des albums où il rejoignait le meilleur de Queen. Leur plus gros succès depuis quinze ans, et le plus poignant, avec cette sensation de mort omniprésente qui donnait au tout des allures crépusculaires, de requiem pour un roi. Et l’une de ses joies les plus amères. Il gagnait en perdant, renaissait de ses cendres, et se disait que tout cela ne serait peut-être pas arrivé sans le reste, que le destin s’amusait à la manière d’un gros siamois, endormi au soleil pâle de Kensington. Qu’il fallait décidément aller au-delà des choses pour y comprendre quelque chose, et que le meilleur était peut-être à venir, maintenant qu’il était revenu de tout. Descendre au drugstore incognito – il avait hélas plus de mal à se déplacer qu’à passer inaperçu – et commander un milk-shake banane comme à 16 ans lui procurait soudain un bonheur indicible, comme s’il retrouvait la vie au bout d’un long tunnel et respirait l’air de Soho pour la première fois.
Les six mois qui suivirent la sortie du disque se passèrent entre rêve et réalité, c’est-à-dire entre son traitement de choc pour freiner la progression de la maladie, qui avait désormais gagné, et la campagne promotionnelle de l’album qu’on avait réduite au maximum, et bien entendu absolument privée de scène. Pas question de le montrer, de le filmer, ni même de l’interviewer de trop près : on ne savait jamais. Hudson avait dû connaître ça à la fin, et dans leur métier, cela revenait à mourir deux fois, au ralenti, en public et puis en privé. Fred n’était pas homme à se cacher, ni à dissimuler quoi que ce fût de lui, et il fallait biaiser, finasser, jongler avec les questions. Tout ce qu’il détestait, surtout en ce moment : on ne fait pas de manières en parvenant à la fin de l’histoire. Et puis il n’avait plus la tête à ça, même si ça lui changeait les idées. L'enregistrement l’avait épuisé, vidé, et il n’avait plus qu’une seule envie : se reposer, de ces quarante-cinq années frénétiques, qu’il appelait sa longue impatience. Vivre ses derniers temps à plein, c’est-à-dire au calme, en savourer chaque seconde, prendre le meilleur de ce qui restait et lui rendre si possible la pareille, lutter jusqu’au dernier souffle et s’endormir ensuite en paix, sans trop souffrir, si l’« autre » voulait bien, là-haut. Le voyage avait été si long, de Bombay jusqu’à Londres, de l’enfance jusqu’à sa mort. Un sacré roman de gare, catégorie best-sellers, de ceux qu’on achète pour les longues traversées...
Et la dernière halte, auprès de son compagnon, lui-même séropositif, et de ses proches, lui parut à la fois fugace et interminable : éternelle. Totalement diminué, il dut garder le lit durant des semaines et être assisté dans tous ses – rares – mouvements, pour s’habiller, se restaurer, se laver. Son ultime virage fut sans doute ce mercredi 5 septembre 1991 où il fêta en privé son quarante-cinquième et de toute évidence dernier anniversaire : désormais, il n’était plus question de faire semblant, puisque tout en lui traduisait, criait son mal à la face du monde. Et le fameux single The Show Must Go On, sorti en octobre, avec des phrases comme « I’ll soon be turning round the corner now » ou « My make-up may be flaking but my smile still stays on » résumait tout. Jamais artiste n’était allé aussi loin, ne s’était adressé aussi directement, clairement et humainement à son public. Pour couronner le tout, la face B du simple s’intitulait Keep Yourself Alive, tout un programme. Mais son problème était bien sûr l’image, qui disait tout, bien au-delà des mots, révélait tout de lui en un seul plan.
La mort dans l’âme, et surtout sur les traits, il dut néanmoins participer à la réalisation de leur dernier clip, le très autobiographique These Are The Days Of Our Lives, qui résonnait comme une profession de foi et le montrait sous un jour terrible, fané, défait, faisant réellement ses adieux à son public au milieu des autres, plus que jamais plongés dans leurs instruments. Même le maquillage destiné à atténuer ses multiples marques contribuait désormais à les amplifier, à grossir ses effets, et finalement à mettre en scène la bête plus que la reine, désormais déchue. Le sourire s’était envolé, effacé et tournait au rictus, les pommettes saillaient de plus en plus, les joues étaient émaciées, et le regard caverneux semblait crier au secours entre les mots, au point qu’on avait réduit au maximum l’équipe technique de ce jour-là pour qu’elle ne vît pas ça : un comble ! Il mourait en direct, le savait, et en mourait de rage...
Il partit alors passer deux semaines à Montreux, conscient que l’histoire était terminée et qu’il fallait juste attendre la fin du film, comme ces comédies des années 30 qu’il regardait avec son compagnon à la télévision, puis s’en revint finir ses jours à Londres, à Lodge Garden. On était à trois semaines de sa mort et, à défaut d’en connaître la date exacte, il aurait pu la programmer à quelques jours près, tant il s’en allait désormais de partout, fondait sur place, avec cette sérénité effrayante que suscitent les situations extrêmes. Il ne se révoltait plus, ne s’affolait plus, ne se plaignait plus. Il en avait pris son parti. Il ne parlait pas de travail, prenait le thé, jetait un coup d’œil à son jardin, s’inquiétait de ses arbres et de ses magnolias comme un vulgaire rentier, puis se remettait au lit et jouait avec ses chats en regardant le petit écran vide sans lui, son miroir désormais éteint, avec à ses côtés le matériel de transfusion en cas de besoin. Il bougeait peu, s’exprimait moins, ne semblait plus triste ni dépressif, parfaitement maître de lui et au fait de la situation. Ce n’était d’ailleurs pas le genre de la maison. Simplement, il mourait, et c’était un fait un peu plus compliqué que les autres à admettre, à gérer. Un paramètre contrariant dont il se serait bien passé, mais on ne faisait pas toujours ce qu’on voulait dans la vie.
L'avant-dernière semaine, il supprima d’un coup tous ses médicaments, sauf les analgésiques : il en avait marre. A quoi bon insister, même si les médecins n’étaient pas de cet avis? Il avait fait son temps, et pas si mal que ça : au moins ne vieillirait-il pas comme Elton et Bernie ! Et les dix derniers jours, incapable de consommer des aliments solides, il se mit au jus de fruits et à la compote comme un bébé : back to the roots ! La vie était une si étrange histoire. Le mardi 21 novembre au matin, il apparut pour la dernière fois à sa fenêtre, d’où il contemplait sereinement les travaux de jardinage de son ami Jim, qui était l’homme de sa vie, de sa dernière vie. Désormais, il ne se lèverait plus, et chacun sut que la fin était proche, que la mort était là et venait chercher le grand Freddie : tout était allé si vite, si haut, si loin. Il n’avait aucun regret, que des bonnes ondes en mémoire, et plus d’ennemi ni de concurrent à cette heure-ci : face au destin, on est seul, rien que soi et toujours débutant. Son seul Miscasting. Son état se dégrada de plus en plus : il toussait, s’étouffait, peinait désormais à avaler, à parler ou à tourner la tête, coulait enfin au terme d’une si longue lutte qui le laissait exsangue. Cloué au lit et spectateur impuissant de son agonie, assisté en permanence de son médecin et de ses familiers, il s’éloignait désormais à grands pas, si loin de tout ce qui avait fait sa gloire, de ses albums monstres et de ces stades géants dont la rumeur sourde avait fondu au loin, n’était plus que l’écho d’une vie antérieure, une pincée de plage tropicale dans le sablier : le Top Ten, c’était prouvé, ne résistait guère au grand saut. Il avait oublié Queen et ses fumées, les vraies divas et les fausses reines, était redevenu l’enfant de Panchgani qu’on alimentait, habillait, changeait, et qui se laissait faire en glissant dans les flots, tièdes comme tous les sables d’Ipanema : Freddie, Fre-ddie... On lui parlait, le consolait, le dorlotait, et il se lova une dernière fois contre le fantôme de Panchka, sa petite sœur de toujours qui n’était pas loin et veillait sur ses jours, depuis sa bonne étoile. Fre-ddie... Qui la protégerait maintenant qu’il reprenait la route? Qui osait toucher à l’autre Reine d’Angleterre, sa Majesté Mr Mercury? La chose la plus difficile à concevoir pour un homme était incontestablement sa mort, et il était en train d’y parvenir, dans un immense apaisement. Il avait enfin fait la somme des choses.
Il s’éteignit en douceur, des suites d’une pneumonie consécutive à son état de santé, ce 24 novembre, dans sa demeure du 1, Logan Place à Kensington, qui était pour la petite histoire évaluée à... un million de dollars. Il avait réussi son pari. Jusqu’au bout, le plus grand exhibitionniste de la scène pop britannique, sinon mondiale, avait voulu protéger sa vie privée, qui n’était d’ailleurs pas toujours celle qu’on croyait : il était resté aussi proche de sa première petite amie, Mary Austin, qui occuperait désormais son appartement, que de son dernier compagnon, Jim Hutton, qui l’avait soutenu – au sens propre du terme – jusqu’à la dernière seconde, puisqu’il était mort dans ses bras. Son cercueil fut recouvert d’une seule rose rouge et transporté au crématorium de London West dans une superbe Rolls Royce noire de collection, suivie d’un cortège de limousines. A coup sûr, il aurait aimé voir ça, apprécier le tableau en connaisseur, de cet œil pas dupe qui trahissait le professionnel et, dans son cas, le perfectionniste.
Le 20 avril 1992, un gigantesque spectacle fut donné à sa mémoire au stade de Wembley, et retransmis sur des dizaines de chaînes à travers le monde, avec tout ce que la pop anglaise comptait de stars : Elton John, David Bowie, Robert Plant, Roger Daltrey, Annie Lennox, George Michael, Def Leppard, Guns N’Roses, Metallica, Extrême, Zucchero, The Scorpions, et... sa chère Liza Minnelli, dirigeant au final un fabuleux chorus de We Are The Champions, qui disait bien ce qu’il voulait dire : le Roi était là-haut, et veillait à sa cour. Et, pour rester fidèle à la tradition du Dieu Mercure, le show entra immédiatement au livre des records comme « le plus grand concert de rock à but caritatif », rapportant quelque 20 millions de livres à la lutte contre le sida. La même année, sa légendaire Bohemian Rhapsody redevint numéro un aux Etats-Unis pendant cinq semaines, à l’occasion de sa reprise dans le film Wayne’s World, et trois ans plus tard sortit un album posthume, Made In Heaven, remanié par ses trois comparses à partir d’inédits, de bandes de studio et autres projets inaboutis. Si, en son absence, les arrangements n’avaient plus la même folie, jamais sa voix n’avait chanté aussi bien : Freddie Mercury avait beau être mort et incinéré, à ce qu’on racontait, le feu couvait sous les cendres et n’avait pas fini de lécher les cœurs adolescents, que fascinait la cuiller du diable.
Le 20 avril 1992, un gigantesque spectacle fut donné à sa mémoire au stade de Wembley, et retransmis sur des dizaines de chaînes à travers le monde, avec tout ce que la pop anglaise comptait de stars : Elton John, David Bowie, Robert Plant, Roger Daltrey, Annie Lennox, George Michael, Def Leppard, Guns N’Roses, Metallica, Extrême, Zucchero, The Scorpions, et... sa chère Liza Minnelli, dirigeant au final un fabuleux chorus de We Are The Champions, qui disait bien ce qu’il voulait dire : le Roi était là-haut, et veillait à sa cour. Et, pour rester fidèle à la tradition du Dieu Mercure, le show entra immédiatement au livre des records comme « le plus grand concert de rock à but caritatif », rapportant quelque 20 millions de livres à la lutte contre le sida. La même année, sa légendaire Bohemian Rhapsody redevint numéro un aux Etats-Unis pendant cinq semaines, à l’occasion de sa reprise dans le film Wayne’s World, et trois ans plus tard sortit un album posthume, Made In Heaven, remanié par ses trois comparses à partir d’inédits, de bandes de studio et autres projets inaboutis. Si, en son absence, les arrangements n’avaient plus la même folie, jamais sa voix n’avait chanté aussi bien : Freddie Mercury avait beau être mort et incinéré, à ce qu’on racontait, le feu couvait sous les cendres et n’avait pas fini de lécher les cœurs adolescents, que fascinait la cuiller du diable.
Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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