L’AD1 est donc une triode de puissance à chauffage direct, de 15W de dissipation plaque maximum, conçue à la base pour les postes récepteurs radiodiffusion, alimentés en courant alternatif.

Cette triode possède plusieurs particularités intéressantes :
La première est sa tension plaque ou d’anode, particulièrement basse… là où la concurrence de l’époque affichait 350 à plus de 400V, 250V étaient suffisants pour l’AD1.
Donc avec une tension plaque de 250V, une polarisation grille de -45V et un courant de 60 mA soit 15W de dissipation, on obtenait avec un transfo simple étage de 2,5 K, la puissance titanesque de 4W… pour 5% de distorsion.
Autrement dit, il suffisait de concevoir un étage d’entrée capable de fournir 30V efficace pour pouvoir moduler à fond notre AD1.
La deuxième est l’extraordinaire linéarité des courbes … Voici les caractéristiques, qui parlent d’elles-mêmes, bien supérieures à n’importe quelle pentode ou tétrode, aux mesures comme à l’écoute.
http://tubedata.tubes.se/sheets/145/a/AD1.pdf
Le seul inconvénient était le fameux support dit « transco », assez fragile, dont il valait mieux faire provision.

Ce tube était donc européen, et a été construit par Philips. En Allemagne Téléfunken, Siemens, AEG, Valvo, Loewe opta, et les pays de l’est pour Tungsram et Tesla. Son approvisionnement était donc facile dans les années 40-50.
Ceci a permis dans les années 60 à quelques amateurs de haut rendement en Europe, d’utiliser l’AD1 soit en simple étage, soit en push-pull… avec des résultats, j’vous raconte pas ! Pourvu que le transfo de sortie soit de qualité. Mais on savait faire, en France et en Europe. Certains amateurs bobinaient –et bobinent encore- leurs transfos avec minutie et surtout avec amour. Côté français, il y avait Millerioux, Belin, Supersonic, Hatte, Chrétien et bien d’autres. En Angleterre, la marque perdreau (Partridge) fabriquait également des transfos de sortie pour les amplis guitare HIWATT (et oui, écoutez la guitare sur shine on your crazy diamond, 1er morceau de « wish you were here », des Pink Floyd)… vous comprendrez.
Côté hp à haut rendement et à chambre de compression, ce n’est pas ce qui manquait non plus dans le haut de gamme européen…
Bref, avant que nos amis japonais fassent une véritable « razzia sur la schnouff » en achetant a prix d’or les dernières triodes de puissances européennes comme l’AD1, la PX4, la R120 française (cocorico, nous en reparlerons) TM100 (recocorico) et bien d’autres, il existait chez nous quelques adeptes du très haut rendement, qui connaissaient, tout comme les nippons, les qualités étonnantes des triodes de puissance.
Mais revenons au tube AD1. A l’écoute en simple étage, le médium et l’aigu sont d’une qualité impressionnante. La richesse harmonique et la dynamique sur une chambre de compression + pavillon sont époustouflantes. Et ce, quelle que soit la marque et non pas que sur des loewe opta comme il a été prétendu… problème de vide ?
Seul, le grave n’est pas à la hauteur, comme d’ailleurs dans tous les montages single ended. Le facteur d’amortissement du à l’absence de contre réaction étant trop faible, il est illusoire de tenir correctement un hp de grave, dont la résonance peut atteindre des valeurs dépassant les 50 ohms.
En mode push pull et en écoute large bande, avec 4k plaque à plaque, le grave passe. Et pas n’importe comment, ça cartonne du feu de dieu, y compris sans contre réaction. L’écoute est d’une grande classe, très homogène, le son remplit littéralement la pièce y compris sur des enceintes de rendement moyen, à condition toutefois de ne pas tomber à 2 ohms. Le tout avec une puissance de sortie de l’ordre de 8 W. Suffisante pour vous faire mal aux oreilles dans un salon de plus de 50m², croyez moi…
Hélas, car il faut bien qu’il y en ait un, ce tube en nos est devenu introuvable, ou alors, il faut avoir le portefeuille sévèrement accroché. Vous me direz que quand on aime, on ne compte pas, mais tout de même. Par contre, il est apparemment remis sur le marché, certainement à la demande des japonais par Emission Labs. EML AD1-Mesh… Je ne sais pas ce que ça vaut, ni même le prix. ?
http://www.emissionlabs.com/datasheets/EML-AD1.htm
Alors, que retirer de tout ceci ? Qu’en l’espace de 80 ans, nous n’avons pas été capables de fabriquer un composant actif plus linéaire que l’AD1 ou quelques autres triodes dont nous reparlerons ? C’est bien possible… car comment expliquer les centaines ou milliers d’amateurs friands de ces tubes ? -Seraient-ils sourds ?
-Serait-ce une mode, lancée par la revue l’audiophile suite aux nombreux articles de Jean Hiraga nous parlant du Japon ?
Je réponds sans hésiter non aux deux questions. Il y avait en Europe, en tout cas en France, et ce dès les années 60, des amateurs de ces vieilles triodes. Moins nombreux que les japonais, certes, mais qui avaient eu aussi expérimenté les vertus des triodes et de la multi amplification.
Pour la petite histoire, une AD1 se négociait 30 francs en 1970… snif ! vous-vous rendez compte, un tube que les allemands qualifiaient de : « la plus belle triode du monde... »
Push pull d'AD1, blocs monos.


