Depuis le début des années 50 et les travaux de l’américain Julius Futterman, un des pères des amplificateurs OTL, ce type d’électronique a eu beaucoup de succès auprès des audiophiles de l’époque aux USA et surtout au Japon.
En effet, un des inconvénients majeurs des électroniques à tubes était la réalisation du fameux transformateur de sortie. Les difficultés rencontrées étaient -et sont toujours- la difficulté de satisfaire plusieurs éléments contradictoires. Le volume, la symétrie (cas du push pull) les pertes primaire/secondaire, la résistance en continu, les capacités parasites, l’inductance qui varie en fonction de la fréquence, de la puissance et du passage du continu… qui limitent la bande passante.
Sans parler de la vibration des tôles, de l’encombrement (un bon transformateur par expérience doit avoir beaucoup de fer), et bien entendu, du prix de revient.
Bref, point de bon amplificateur sans bon transformateur de sortie, élément essentiel et couteux. Et pourtant, Luxman savait en fabriquer de très bons !
C’est donc en 1966, alors que les schémas à transistors avaient déjà leur apparition dans le domaine de la hi fi, que Luxman présentait au Japon son MQ36, qui allait vite devenir un quasi incontournable auprès de nombreux audiophiles.




Il s’agit donc d’un bloc stéréo, développant 2 x 25W /16 Ohms, pour 0,8 Veff en entrée. La puissance maximale obtenue, compte tenu de la configuration de l’étage de sortie des tubes 6336A, est de 2 X40W /50 ohms. Cette puissance était largement suffisante pour driver correctement les haut-parleurs à haut rendement de l’époque, ainsi que les panneaux électrostatiques type Stax ESS6A, Quad ESL et autres KLH 9, eux aussi très en vogue.
Voici le schéma, un seul canal est représenté :

L'alimentation :

Examinons le schéma : Nous trouvons en entrée la pentode 6267, mieux connue sous le nom EF86.
Rien à dire quand à son montage somme toute classique : Une résistance de plaque de 140K, et un réseau résistif stabilisant la tension écran, composé d’une 500K série et 2M retournant vers la masse, découplée par un 0,1µF. Afin d’obtenir du gain de cette étage d’entrée, dans ce cas de l’ordre de 120 (42 db) la résistance de cathode de 1K est découplée par un condensateur polarisé de 30µF. On pourra remplacer ce condensateur par un 47µF électrolytique de qualité, ou par un tantale solide.
Cet étage est couplé en direct à un déphaseur de Schmitt, qui est un déphaseur différentiel. Mais contrairement à ce qui se fait habituellement, ce n’est pas une double triode qui est utilisée, mais deux pentodes, à savoir deux 6CL6. La 6CL6 est une pentode miniature à grande pente, et à haut pouvoir de dissipation (dissipation d’anode 8,2W et écran 1,9W) ce qui lui permet d’être chargée par une résistance de faible valeur, typiquement 7,5K, ici 6K. Ces conditions sont nécessaires pour attaquer les 6336A, qui sont des tubes pouvant présenter un léger courant grille. Le jeux de 4 résistances et le condensateur dit de rattrapage de 50µF de la partie supérieure du déphaseur, nécessaires à driver les 6336A.
On remarquera au passage que chaque 1/2 6336A puisque nous sommes en double push-pull, possède son propre condensateur de liaison, au mylar à l’origine composé d’un 47 nF avec en parallèle un 0,22µF suivi par une 1M destinée à éviter les oscillations. La résistance série de 100 ohms ainsi que les 4 ohms de 3W sont destinées à éviter tout accrochage, toute instabilité aux fréquences élevées. A noter également le circuit de polarisation original, avec un enroulement du transfo par branche du push pull, le potentiomètre de 5K ajustant la polar de chaque branche du push, qui doit être de l’ordre de -60V, tension prise entre grille et cathode.
La boucle de contre réaction est classique, le taux avoisinant les 25 db.

A noter les nombreux trous dans le chassis, car 4 x 6336A, ça chauffe pas mal !

Les détracteurs des amplificateurs OTL, arguant que ces derniers sont des tueurs de haut-parleur, et qui auraient mieux fait d’apprendre un peu l’électronique, n’auront bien entendu pas remarqué que dans ce type de schéma, le courant continu passe en série dans les tubes de puissance, sans passer à travers la bobine du haut-parleur, ceci avec ou sans tubes appariés. Car vous avez remarqué, bien entendu, (je n’en attendais pas moins de vous

Et puis… pensez-vous raisonnablement qu’une firme comme Luxman aurait pu commercialiser un amplificateur, (dont le prix était de 6 fois de salaire moyen d’un japonais à l'époque) transformant les bobines des hp en bloc de charbon ? Soyons sérieux, voulez-vous…

Bon, c’est bien joli tout ça, mais comment ça sonne, ce joyeux montage ?
Et bien comme un OTL, vous répondrais-je. En large bande, sur des enceintes dont l’impédance ne descend pas trop sous les 8 ohms, et d’un rendement correct (90db/w/m) c’est… SUPER !
Le grave descend très bas, est très bien articulé, ample, parfois léger, profond… les ambiances sont très bien restituées, avec une belle profondeur. Le son est tendu, détaillé, mais sans cette impression de « sécheresse » que nous donnent souvent les électroniques à transistors. C’est très ouvert, et très dynamique. Jamais d’agressivité malgré une foule de détail. Pas de mollesse, et de romantisme non plus.
Cet amplificateur peut être exceptionnel dans le grave et bas médium, lorsqu’il « pousse » des hauts parleurs de grand diamètre à haut rendement, dont la courbe d’impédance à la résonance atteint ou dépasse les 50 ohms. Le hp est alors parfaitement contrôlé, sans aucun effet boomy entrainant automatiquement un effet de masque dans le bas-médium. Même dans un système multi amplifié, cet amplificateur peut être utilisé sur n’importe quelle voie sans présenter de défaut particulier.
Sa bande passante s’étend de 1 Hz à plus de 400 Khz à -3 db. Qui a dit que les amplificateurs à tubes n’étaient pas bons aux mesures ?
