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16-Les oubliés du R'n'R : "Roy HALL "

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hencot
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16-Les oubliés du R'n'R : "Roy HALL "

Message par hencot »

ROY HALL

Faut dire qu'on était tous bourrés
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RH1.jpg
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ROY HALL naquit le 7 mai 1922 à Big Stone Gap - "la Grande Trouée de Pierre"-, en Virginie, ville située en lisière d'une forêt, à une vingtaine
de kilomètres de la frontière du Tennessee, près des contreforts des Appalaches. Un vieil homme de couleur lui apprit à jouer du piano et à boire.
Lorsqu'il eut vingt et un ans, Roy sut qu'il était le meilleur pianiste ivrogne de Big Stone Gap; armé de la fierté et de l'audace que lui conférait cette
certitude, il quitta sa ville natale pour aller chercher la gloire dans les contrées lointaines du rêve: Jasper, Slant, Nicklesville, Weber City et Bristol.
Roy voyagea jusqu'à Bristol et au-delà, martelant son boogie­-woogie dans tous les bars à bières de Virginie, du Tennessee ou de l'Alabama
équipés d'un piano. Ses doigts couraient sur ces pianos avec vitesse, force et effronterie, comme le lui avait enseigné l'homme de couleur de
Big Stone Gap; mais il chantait comme le péquenaud qu'il était. Partout où il allait, les gens lui disaient qu'ils n'avaient jamais entendu un
chanteur de country tel que lui. Ils lui offraient à boire et lui donnaient quelques dollars quand s'approchait l'heure de la fermeture.
Il monta son propre groupe, Roy Hall & his Cohutta Mountain Boys - "Roy Hall et ses Garçons du Mont Cohutta" -, dont le nom évoque ces
Appalaches à l'ombre lointaine desquels il grandit. C'était un quintette, avec Tommy Odum à la guitare solo, Bud White à la guitare rythmique,
Flash Griner à la basse et Frankie Brumbalough au violon. Roy martelait le piano et chantait la plupart du temps; mais tous les autres membres du
groupe chantaient aussi, en particulier le guitariste rythmique et le violoniste.
A la fin des années quarante, Roy Hall partit vers le Nord avec ses Garçons du Mont Cohutta, traversant la Virginie Occidentale et l'Ohio pour
atteindre le Michigan. En 1949, Roy et son groupe gravèrent leurs premiers disques pour la firme Fortune, petite maison de disques indépendante
qui avait ses bureaux dans la Douzième Rue, à Detroit. L'année suivante, Fortune sortit six morceaux interpretes par Roy Hall: Dirty boogie
("Sale boogie"), Okee doaks ("D'accord, Hector"), Never marry a Tennessee girl ("N'épousez jamais une fille du Tennessee"), We never get too big
to cry ("On n'est jamais trop grand pour pleurer"), Five years in prison ("Cinq années en prison") et My freckle face gal ("Ma môme a des taches de
rousseur"). La plupart de ces enregistrements étaient des hillbilly blues efficaces: le genre de musique que Hank Williams avait récemment popularisé.
Mais le plus réussi du lot, Dirty boogie - ce qui se rapprochait le plus, dans toute la production de Fortune, d'un tube de country & western -, était
un rock sauvage et sans scrupules donnant un avant-goût de ce qui allait se produire, musicalement parlant, dans le Sud au cours des années suivantes
En 1950, Roy partit pour Nashville, laissant les Garçons du Mont Cohutta se débrouiller tout seuls dans le Nord maudit. Il fit deux disques cette
année-là pour Bullet, l'une des firmes indépendantes les plus actives de Nashville. Ces deux simples - Mule boogie ("Le boogie de la mule") et
Ain't you afraid ("T'as pas peur ?") -étaient de bons morceaux menés à un rythme d'enfer, mais ne se vendirent pas. Après Bullet, Roy Hall enregistra
pour Tennessee, petite firme locale qui avait obtenu un tube national en 1951 avec un instrumental joué au piano par Del Wood, Dawn yonder
("Là-bas, tout en bas"); mais le piano de Hall ne fit pas naître de tubes.
Il ouvrit une boîte de nuit dans Commerce Street, à Nashville, qu'il appela Music Box , plus tard rebaptisée Musician's Hideaway - "la Planque du
Musicien". Il y jouait du piano, y buvait et, pour une fois, gagnait de l'argent en se livrant à ces activités. Outre l'alcool et la musique, le club de Roy
proposait black-jack et roulette. Un grand nombre de vedettes parmi les plus vénérées du Grand Ole Opry dilapidaient dans ce genre de divertissement,
d'une main moite et tremblante, les chèques ornés de nombreux zéros qu'ils avaient gagnés à la sueur de leur front.
L'un des clients les plus fidèles de Roy Hall était Webb Pierce, qui devint, après la mort de Hank Williams survenue le 1 janvier 1953, le roi
incontesté des chanteurs de country. Pierce engagea Roy comme pianiste, et on peut entendre ce dernier sur la plupart de ses enregistrements
de 1954-1955. Parallèlement, Roy enregistra aussi avec Marty Robbins et Hawkshaw Hawkins, deux cuculs-la-praline à succès dont la musique lui
offrait encore moins d'espace pour s'exprimer que celle de Pierce.
Pendant l'été 1954, Elvis Presley vint dans le club de Roy Hall chercher du travail. Roy me raconta l'événement au printemps 1981:
- J'étais bourré cette nuit-là, j'avais pas envie de jouer du piano, alors je lui ai dit de monter sur scène et de faire ce qu'il était censé savoir faire,
nom de Dieu! Je l'ai viré au bout d'une seule nuit. Il était complètement nul.
Vers la fin de cette même année, un autre jeune homme vint dans son club pour y chercher du travail. Il s'appelait Jerry Lee Lewis, et Roy le garda
quelques semaines, jusqu'au moment où Lewis décida de retourner voir sa femme et son fils en Louisiane.
-Je l'avais engagé à quinze dollars la nuit. Il devait jouer de ce putain de piano à partir d'une heure du matin, jusqu'à ce qu'il fasse jour. On faisait
plein de duos. C'était encore un adolescent, et tout le monde s'imaginait que si les flics faisaient une descente, ce serait lui qu'ils laisseraient partir;
alors tout le monde lui confiait sa montre et ses bijoux pour qu'il les garde sur lui au cas où les poulets se pointeraient. On s'est fait pincer une nuit:
il devait avoir, au bas mot, quinze montres bracelets sur les bras. Pour sûr, c'est lui le seul qu'a pas été fouillé.
Ce fut aussi en 1954 que Roy Hall et un musicien noir du nom de Dave Williams firent un voyage dans les Everglades qui donna naissance à l'un
des classiques du rock'n'roll.
- On était descendus jusqu'à Pahokee, sur le lac Okeechobee. On était là-bas, sur un putain d'étang, à pêcher et à attraper des serpents.
On buvait du vin, surtout. On était toute une bande. Le mec là-bas, tu vois, avait une grosse cloche qu'il faisait sonner pour nous rameuter, tous
tant qu'on était, à l'heure du dîner. Alors j'appelle là-bas, de l'autre côté de l'île, et je dis: "Qu'est-ce qui se passe ?" Le Noir dit : "On a vingt et un
tambours" - faut dire qu'on était tous bourrés -on a un vieux tuba et ils marquent la mesure sur une ding-dong.
Tu comprends, c'était la grosse cloche qu'ils faisaient sonner pour nous faire rentrer.
Ce dialogue sans queue ni tête engendra une chanson qui commençait ainsi :

Twenty-one drums and an ol'bass horn,......................................Vingt et un tambours et un vieux tuba
Somebody beatin ' on a ding-dong............................................Quelqu'un qui tape sur une ding-dong.
Come on over,baby; baby,you can't go wrong...............................Ramène­ toi, poupée, ça remue tant qu'ça peut
There ain't no fakin', whole lotta shakin' goin' on..........................C'est pas du chiqué, ça remue tant qu'ça peut

Webb Pierce fit obtenir à Hall un contrat chez Decca. Le 15 septembre 1955, Hall entra en studio et grava trois chansons pour cette firme, parmi
lesquelles figurait Whole latta shakin' gain' on ("Ça remue tant qu'ça peut"). Le disque sortit trois semaines plus tard, couplé avec une reprise du
All by myself ("Je suis tout seul") de Fats Domino. Le compte rendu que fit le magazine Billboard de Whole lotta shakin 'goin' on disait :"Le pianiste
de Webb Pierce s'essaye au chant et nous fait découvrir une voix très particulière, pleine de saveur." Mais l'essai ne fut pas transformé en tube.
Roy Hall continua d'enregistrer pour Decca jusqu'à l'été 1956. Même si certains de ces enregistrements - par exemple sa reprise du Blue suede
shoes ("Les pompes de daim bleu") de Carl Perkins - étaient absolument dépourvus d'inspiration, la plupart d'entre eux figurent parmi les disques
de rockabilly les plus forts du milieu des années cinquante. Son -Diggin' the boogie- ("On s'éclate avec le boogie") contenait l'un des rythmes les plus
durs et les plus implacables jamais enregistrés dans le Sud. Pas un seul de ces morceaux ne connut le succès.
Le mauvais sort paraissait s'acharner sur Roy Hall. Whole lotta shakin' goin' on, co-écrit par lui (avec Dave Curly Williams) sous le pseudonyme de
Sunny David - "J'essayais d'éviter de payer des impôts. Ils ont quand même fini par me dépouiller jusqu'à l'os" -, devint un gros tube dans la version
qu'en donna Jerry Lee Lewis, l'ancien employé de Roy, en 1957, et ce dernier se voyait déjà encaisser un joli paquet de pognon en droits d'auteur.
Mais quand le moment de la récolte arriva, il fut poursuivi par son ex­ épouse, et le tribunal attribua à cette dernière l'intégralité des sommes perçues
par Roy pour cette chanson. Ses malheurs ne s'arrêtèrent pas là :
- Paul Cohen, le patron de Decca, m'a fait signer divers papiers un jour où j'étais complètement torché. Dans le tas, il y avait une sorte de contrat,
et c'est comme ça que j'ai tout perdu. J'ai bossé pour Webb Pierce pendant six ans, et il m'a joué le même tour.
Roy Hall ne cessa pas pour autant de marteler son rockabilly. Il continua de jouer dans les environs de Nashville et partout où il pouvait trouver un
piano et se faire payer. Il me confia :
- J'ai arrêté de boire en 1972, et je joue mieux le rock'n'roll aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans. Y'a pas un seul de ces jeunes mecs qui puisse me
damer le pion quand il s'agit de taper le rock, non, m'sieur. Trouvez-moi un engagement quelque part, payez­ moi les frais de transport, filez-moi
quelques dollars, et je vous sors un bon vieux rockabilly qui les laisse raides morts.
Quelques années plus tard, James Faye "Roy" Hall cessa d'être en mesure de taper quoi que ce soit.
Il partit boire le dernier verre le 2 mars 1984, à Nashville. Il avait soixante et un ans.
Grâce à lui, la Grande Trouée de Pierre resplendira pour l'éternité, entourée d'un halo pourpre de fierté.
.
A suivre : Hardrock GUNTHER
Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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