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2-Les oubliés "Big Joe Turner"

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hencot
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2-Les oubliés "Big Joe Turner"

Message par hencot »

BIG JOE TURNER
Du bifteck au petit déjeuner, de la viande de fille les jours de pluie .
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Le blues, La country et leur bâtard prodigue le rock'n'roll, ont en commun une chose fondamentale et envahissante : la connerie.
Ils sont pour l'essentiel, la musique de la folie et non de la sagesse.
Il est difficile de décider, entre les trous-du-cul sentimentaux et les durs-à-cuire bidons qui est le plus ridicule. Voici Willie Nelson, toujours ingénu à l'âge de cinquante-sept ans, avec ses nattes à la Judy Garland ; voici Tracy Chapman, dans le rôle de la muse emprisonnée dans un corps de blé noir. Et voilà Bîlly Idol, qui n'arrive même pas à faire peur au caniche de son esthéticienne, malgré tous ses efforts pour avoir l’air menaçant. Et ils sont tous très sérieux, ce qui les rend d'autant plus drôles.
Ceux qui, tels Robert Johnson, Hank Williams et Jim Morrisson, ont su faire de leur désenchantement une musique d’une grande puissance, une véritable poésie, furent encore plus stupides que les autres, en un sens, parce qu'ils se sont tués alors qu'ils auraient pu se la couler douce. Ils ont pigé l'arnaque, et puis ils ont craqué au lieu d'en profiter. Leurs mots étaient beaux, mais leurs voix tremblaient de peur.
Tout cela pour nous amener - toi et moi, cher ami, unis dans la quête d'une vaine connaissance — à la non négligeable histoire d'un noble et puissant homme nommé Big Joe Turner, le patriarche du rock'n'roll qui resta sans égal dans la vie et dans le rock . Jamais il n'a chanté en ayant peur, jamais il n'est apparu en public avec des nattes ou une braguette de satin. Sa voix, océanique et impérieuse, emplie de l’écho de ce grondement des profondeurs du sol qui est le son que fait le diable en enchaînant sa troisième femme, est la voix de la puissance. Il n'y a jamais eu, dans tout le rock'n'roll, un autre chanteur tel que lui.
Il n’a pas toujours été le gros tas de graisse qu'il est devenu plus tard, Sa mère quand dieu le mît au monde le 18 mai 1911 à Kansas City dans l'Etat du Missouri lui donna pour nom de baptême Joseph Vernon Turner. Sa ville natale était, dans les années de Prohibition que connut sa jeunesse, l'une des plus ouvertes de tout le Mîdwest; elle ne le cédait en notoriété qu'à Chicago. La gnôle les putains et les dés s'y trouvaient en abondance, ainsi que les musiciens légendaires qui vivaient là ou ne faisaient qu'y passer, à la fin des années vingt et ou début des années trente : Count Basie, Mary Lou Williams, Lester Young, etc.... Mais le plus Important de tous pour le jeune Joe Turner était le pianiste de boogie-woogie ,Pete Johnson.
Le père de Turner mourut dans un accident d'automobile quand Joe avait quinze ans. Pour aider sa mère, sa sœur Katie, et pour s'aider lui-même, Turner cira des godasses cria des journaux et prépara les petits déjeuners dans un hôtel. Ce fut un an environ après la mort de son père qu'il commença à traîner autour du Backbiters'Club - “le Club des Médisants" -, sur Independence Avenue, où Pete Johnson jouait tous les soirs. Turner, qui n’avait jamais chanté jusqu'alors que dans les rues, demanda au pianiste s'il pouvait l'accompagner. Le pianiste aima ce qu’il entendit, et en 1929 Pete Johnson et Joe Turner, âgé de dix-huit ans, faisaient équipe.
Ils quittèrent le Backbiters'Club pour le Black & Tan (“Noir et Brun Clair"). Le boulot de Turner ne se limitait pas à chanter avec Johnson :il servait les boissons et livrait le whisky de contrebande vendu par le club. En 1933, quand la Prohibition cessa, Johnson et Turner allèrent au Cherry Blossom - “Fleur de cerisier" -,qui se trouvait au célèbre carrefour de la Douzième Rue et de Vine Street (carrefour qui soit dît en passant, n'existe plus). Ils y travaillèrent pendant presque trois ans. En 1936, ils quittèrent Kansas City passant par Chicago, Saint-Louis et Omaha. De retour chez eux, ils commencèrent à travailler dans la boîte de Piney Brown, le Sunset Club - “Club du Crépuscule". Ce fut au Sunset Club que John Hammond, qui écumait h ville à la recherche de nouveaux talents entendit jouer Johnson et Turner. Hammond les amena I New York et les programma dans son grand concert Spirituals to swing ("Des spirituals au swing”), au Carnegie Hall, le soir de Noël 1938.
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Turner et Johnson restèrent un moment à New York. Quelques jours après le spectacle du Carnegie Hall, le 30 décembre, ils gravèrent leur premier disque chez Vocalion : Goin'away blues ("Le blues du départ”), couplé avec la composition de Johnson qui était devenue leur morceau fétiche dans les clubs de Kansas City, Roll'em Pete (“Fais-les remuer, Pete”). Ils rentrèrent à Kansas City en août pour jouer au Lone Star Club - “le Club de l'Etoile Solitaire" — ; mais leur ville natale, aussi sympathique qu'elle fût, ne pouvait plus leur suffire. Ils étaient de nouveau à New York en juin 1939, où ils firent quelques disques pour Vocalion. Cette fois, ils enregistrèrent avec un orchestre complet — Hot Lips ("Lèvres Brûlantes”) Page à 1a trompette, Henry Smith au saxophone alto, Eddie Dougherty à la batterie, Laurence Lucie à la guitare, Abe Bolar à la basse — sous le nom de Pete Johnson & his Boogie Woogie Boys (“Pete Johnson et ses Garçons du Boogie Woogie”). Leur version, devenue classique, de Cherry red (“Rouge cerise") est issue de cette séance.
Turner et Johnson continuèrent de jouer ensemble pendant plusieurs années, surtout au Café Society = "Société" -, une boîte pour cliques branchées dirigée par Barney Josephson à Greenwich Village. (Ouvert par Josephson dans la cave du 2 Sheridan Square, en décembre 1938 - Billie Holiday y joua le soir de l’ouverture -,le Café Society fut la première boîte de nuit mixte de New York.) Mais leurs carrières discographiques commencèrent à diverger pendant les années quarante, quand Turner s'orienta de plus en plus vers le style qui allait être connu sous le nom de rock'n'roll.
Le 15 janvier 1940, il enregistra How long, how long blues (“Pendant combien de temps, blues”) et Shake it and break it ("Remue-le et casse-le”) avec les Varsity Seven - "les Sept de la Fac” -, groupe maison de la firme Varsity Records - "les Disques de la Fac” — dirigé par Benny Carter et Coleman Hawkins.Quelques semaines plus tard, le 9 février, il grava deux morceaux pour Vocation avec le pianiste Joe Sullivan et son Café Society Orchestra. Le 15 octobre, pour Okeh, il enregistra Joe Turner Blues (“Le blues de Joe Turner”) et Beale Street Blues (“Le blues de Beale Street”) avec Benny Carter & hîs All-Star Orchestra - “Benny Carter et son Orchestre de Vedettes”, Le 11 novembre, avec Pete Johnson, Hot Lips Page et d'autres, il grava son extraordinaire Piney Brown Blues (“Le blues de Piney Brown") qui sortît l'année suivante, sous le nom de Joe Turner & his Fly Cats , sur l'album Kansas City jazz "Le jazz de Kansas City") chez Decca.
Il resta chez Decca pendant quatre ans. Le 26 novembre, il grava quatre morceaux, accompagné par le pianiste Willie “The Lion" - “le Lion” - Smith .
Le 21 janvier 1941, il enregistra avec Art Tatum et son orchestre, La première chanson enregistrée ce jour-là devint l'un des morceaux les plus connus de
Joe Turner Wee baby Blues (“Le blues du petit bébé"). Après une deuxième séance avec Tatum, le 13 juin - les quatre morceaux qui en résultèrent étaient remarquables : Lucille ; Rock me, mamma (“Secoue-moi, mémère”) Corrine, Corrina ; Lonesome graveyard (“Le cimetière solitaire”) -, Turner retourna en studio le 16, et une fois de plus la musique était remarquable ; Somebody got to go (“Quelqu’un doit s’en aller”), Ice man (“L’homme de glace” ) de Louis Jordan, Chewed up grass (“L’herbe mâchouillée") et Nobody in mind (“Je ne pense à personne”>, où figurait ce vers merveilleux :
I'll cut your head, just like I'd cut a block of wood.
Turner quitta New York pour Los Angeles, oh il produisit la revue Jump for joy (“Sauter de joie"), au Mayan Theatre, en association avec Duke Ellington .
De retour à New York l'été suivant, il recommença à faire des disques pour Decca . Désormais, âgé de trente ans, il se produisait sous le nom de Big Joe Turner, "le Gros Joe Turner" ; incontestablement, Il était gros.
Le 8 septembre 1941, il enregistra pour la première fois à Los Angeles, accompagné par Freddie Slack, figure de proue de la nouvelle vague de pianistes de boogie-woogie. Rocks in my bed ("Des cailloux dans mon lit") et Blues on Central Avenue (“Blues sur Central Avenue”) furent les fruits de cette séance.
Il enregistra de nouveau avec le trio de Freddie Slack le 28 janvier 1942. L’interdiction d'enregistrer dans tout le pays, imposée cette année-là par
James Caesar Petrillo, président du syndicat national des musiciens - Petrillo voulait contrer ce qu'il appelait “la menace de la musique mécanique” -,
empêcha Turner d'enregistrer (comme la plupart des autres chanteurs) jusqu'au 13 novembre 1944, jour où l'interdiction prit fin. Deux jours après cette date, à Chicago, Turner fit ses derniers disques pour Decca, soutenu par un trio emmené par Pete Johnson .
Il commença à enregistrer pour National le 2 février 1945 toujours en compagnie de Johnson. Pour sa deuxième séance chez National, le 23 janvier 1946, à Los Angeles (où lui et Johnson avaient ouvert leur propre boîte, le Blue Room Club, “Club de la Chambre Bleue”), Turner avait réuni un groupe exceptionnel, comprenant Bill Moore au saxophone ténor, Teddy Bunn à la guitare et, à la basse, John "Shifty” - “ le Louche” -Henry, auteur de l’immortel tube d’Amos Milhurn Let me go home, wiskey (“Laisse-moi rentrer à la maison, whisky”). L'un des disques qui sortirent de cette séance, My gal's a jockey (“Ma gonzesse fait du cheval") I got love for sale (“J’ai de l’amour à revendre”) fit sensation durant l’été 1946.
Turner enregistra chez National pendant toute l'année 1947. En juillet, il grava sur deux faces avec Wynonie Harris Battle of the blues (“La bataille du blues”) chez Aladdin. A la fin de l'année, il fit avec Pete Johnson un disque pour la petite firme Stag — “Cerf” - de San Francisco, où ils exerçaient leurs talents au Mémo Cocktail Lounge (“le Salon à Cocktails de Mémo”). Durant l'été 1948 ils gravèrent quatre disques pour la firme Down Beat - "Temps Fort" -, comprenant Wine-o-baby (“Poupée poivrote”) et Old Piney Brown is gone (“Le vieux Piney Brown est parti” ).
Cet été-là, MGM inaugura sa “Série Ebène” et Turner fit cinq disques pour cette firme. Suivirent deux disques pour Aladdin,deux autres avec Dootsie Williams pour sa firme DooTone (mais ils ne virent le jour qu'après plusieurs années), deux pour RPM, et un dernier - très chaud, celui-là : Please don't taIk me to death ("S'il te plaît, ne me tue pas avec ton bla-bla") - pour Modern. En janvier 1949, il chanta sur deux morceaux pour Excelsior en compagnie du trio de Lorenzo Flennoy.
Plus tard dans l'année, à Houston, il grava cinq disques pour la firme Freedom - "Liberté". En 1950, il fit deux disques à la Nouvelle-Orléans pour la nouvelle firme Impérial, accompagné par l'orchestre de Dave Bartholomew. Avant de remonter vers le Nord, il grava un disque pour la petite firme Bayou.
En 1951, Joe Turner avait déjà mis plus de cinquante disques sur le marché . On y perçoit une maturation régulière de sa puissance et une affirmation toujours plus grande du style qu'il avait commencé à pratiquer en 1939-1940. Chaque fois qu'il reprenait Nobody in mind, les vers concernant la tête et le morceau de bois devenaient plus crédibles; et personne ne se moquait de son bîde. Le style du Gros Joe ne devait plus guère se modifier par la suite. Le monde n'avait plus qu'à essayer de le rattraper.
En avril 1951, quelques semaines avant son quarantième anniversaire Turner chanta avec l’orchestre de Count Basic à l’Apollo Théâtre de Harlem. Après cet engagement, Atlantic lui offrit un contrat de trois ans qu'il accepta. Atlantic ne perdit pas de temps. Turner entra dans les studios Apex le 19 avril et un disque sortit moins de deux semaines plus tard.
Le précédent tube de Turner chez Freedom Still in tke dark ("Encore dans le noir") avait été modeste puisqu'il n'était resté qu'une semaine dans les dernières places du classement rhythm'blues en mars 1950. Chains of love (“Les chaînes de l'amour") son premier disque Atlantic entra dans ce même classement en juin et y resta pendant six mois, atteignant la deuxième place. D'autres tubes suivirent : Sweet sixteen ("Douce jeune fille de seize ans") en 1952* Honey hush (“Chut bébé") et TV mama (“Mémère télé") en 1953. Puis le 9 février 1954 le Gros Joe Turner grava le disque qui allait être sa couronne de lauriers ‘ Shake, rattle and roll ("Remue, agite-toi et balance-toi”), écrit pour Lui par Jesse Stone sous le pseudonyme de Charles E. Calhoun.
Sorti en avril, Shake, rattle and roll resta presque sept mois sur la liste des meilleures ventes de rhythm'n'blues. Même s’il n'atteignit jamais la première place - Work with me Annie (“Travaille avec moi, Annie”) des Midnighters, “Ceux de minuit”, était invincible -, il resta et reste encore l'une des vraies gloires de cette année 1954, qui fut l'apogée de l'âge d'or du rock'n'rolL
Turner fit d'autres tubes de moindre ampleur durant les deux années suivantes : en 1955, Flip, flop and fly (“Saute, retombe et file”), qui faisait suite à Shake,rattle and roll, et Hide and seek (“Cache-cache”) ; en 1956, Morning, noon and night (“Le matin, à midi et le soir”), Corrine Corrina, qui sortit du classement rhythm'n'blues et devint un tube pop mineur, Rock a while (“Secouons-nous un moment”) et Lipstick, powder and paint (“Rouge à lèvres, poudre et vernis”), Turner fit une apparition dans un film intitulé Shake, rattle and roll (American International, 1956), Maintenant que les Blancs étaient au parfum, le Gros Joe Turner, à l'âge de quarante-cinq ans, était une vedette du rock'n'roll.
“Ce n'était qu’un nom différent pour la musique que j'ai chantée toute ma vie”, expliqua-t-il plus tard dans le magnifique portrait que fit de lui Whitney Balliett pour le New Yorker. Il continua de chanter cette même musique, enregistrant toujours chez Atlantic jusqu'en février 1961, En 1963-1964, il fit deux disques pour Coral. Mais à cette époque, bien sûr, il n'y avait presque plus personne pour apprécier le vrai truc, et presque tout Je monde avait oublié le nom de Big Joe Turner.
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Cela ne le tracassait pas beaucoup, sinon financièrement. Il s’était rarement soucié de regarder son public au fond des yeux.
Big Joe Turner continua d'enregistrer des disques, jusque dans les années quatre-vingt, pour de petites maisons de disques de jazz telles que Pablo ; et il continua de jouer dans des clubs tels que le Tramps - “les Vagabonds” -, à New York. Pete Johnson était mort, ainsi que la principale épouse de Turner , Lou Willie. (Il y en avait eu d'autres. — "L'argent que j'ai gagné, les épouses l'ont presque entièrement récolté" —, mais Lou Willie, avec qui il fut marié de 1945 à sa mort, en 1972, était la dame sombre des faces B.) Le Gros Joe Turner, en revanche, faisait partie des vivants. A soixante-dix ans passés,on pouvait encore l'entendre et le voir, frappant du bout de sa canne sur le dur plancher du bar, plus reconnaissable que le logo rutilant de n'importe quel MTV débile, rappelant à l'Eternel Féminin cette histoire de morceau de bois coupé en deux et exhortant cette diablesse en culotte de nylon à sortir du lit, â se laver la figure et les mains, à entrer dans la cuisine et à s'activer un peu avec la vaisselle et les casseroles.
L'important n'est pas de survivre; n'importe quel clochard y arrive. Le truc, c'est de survivre comme un gros tas de graisse.
Pour le Gros Joe, la fin est survenue â Los Angeles, sous la forme d'une défaillance rénale, le 24 novembre 1985.
Il avait soixante-quatorze ans.
Alain..

Site sur le son et l' enregistrement de Claude Gendre http://claude.gendre.free.fr/
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